19 mai 2022 - Alexandra Charvet

 

Vie de l'UNIGE

«L’impact du système de santé sur l’environnement est trop souvent ignoré»

Pour intégrer dès le début de leur formation la dimension environnementale de leur métier, les futur-es médecins se voient proposer depuis peu un cursus en santé planétaire. Les interactions entre systèmes de soins, santé et changements environnementaux sont également au cœur d’une conférence publique programmée le 23 mai prochain.

 

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Les médecins de demain devront tenir compte de l’impact environnemental des examens qu’ils et elles prescrivent, notamment les scanners et les IRM, qui ne sont pas toujours nécessaires et qui consomment énormément d’énergie. Image: DR

 

Révolution verte chez les blouses blanches: sous l’impulsion d’étudiant-es et d’enseignant-es de la Faculté de médecine, un cursus en santé planétaire a été lancé en septembre dernier. Il permet aux médecins de demain d’intégrer, dès le début de leur formation, la dimension environnementale de leur métier. «En Suisse, l’empreinte carbone du système de santé est deux fois supérieure à celle du trafic aérien, regrette la professeure Johanna Sommer, directrice de l’Institut universitaire de médecine de famille et de l’enfance et responsable du nouveau cursus. Son fonctionnement représente 6,7% des émissions totales de gaz carbonique du pays.» Face à ce constat accablant, un cursus en santé planétaire a été lancé en septembre dernier afin d’introduire l’enseignement de cette thématique dès la première année de médecine. «Aucun enseignement n’était en effet proposé en médecine sur les liens entre santé et environnement alors que l’ensemble de la littérature scientifique confirme que le changement climatique est la plus grande menace pour la santé humaine au XXIe siècle», explique Estelle Delamare, initiatrice du projet avec Léo Peterschmitt, deux étudiant-es en médecine et membres de la branche santé-climat-environnement de l’Association des étudiant-es de médecine de Genève (AEMG).

 

Les deux étudiant-es ont été convié-es à présenter leur projet à la Commission enseignement de la Faculté, à la suite de quoi un groupe de travail a été constitué avec des enseignant-es afin de proposer un cursus s’intégrant dans toutes les années de la formation et dans toutes les branches enseignées. Désormais, une introduction à la santé planétaire est donnée en première année, dans le cadre d’un cours de trois heures (accessible sur Mediaserver pour l’ensemble de la communauté universitaire). «Il s’agit de présenter les éléments scientifiques connus sur les changements climatiques et d’expliquer ce que signifient certaines notions comme le dépassement des ressources planétaires par exemple, détaille Johanna Sommer. Comme il n’était pas possible d’ajouter des heures dans les autres années de formation, notre groupe de travail s’est employé à introduire la thématique au sein de l’ensemble des autres cours.» Une trentaine d’objectifs d’apprentissage touchant à la santé planétaire ont ainsi été intégrés: les perturbateurs endocriniens et leurs conséquences sur la reproduction sont par exemple étudiés dans le cours sur le système endocrinien, le rôle de la pollution atmosphérique dans ceux sur la cardiologie et le système respiratoire, les maladies émergentes et les problèmes liés aux antibiotiques dans celui sur les maladies infectieuses, etc.

 

«Le savoir sur les perturbations environnementales impactant la santé est ainsi distillé au sein de la formation, mais nous souhaitons aussi attirer l’attention sur le rôle, trop souvent ignoré, du système de santé sur nos écosystèmes, précise Johanna Sommer. Les médecins de demain devront tenir compte de l’impact environnemental des examens qu’ils et elles prescrivent, notamment les scanners et les IRM, qui ne sont pas toujours nécessaires et qui consomment énormément d’énergie.» La professeure évoque également les perturbations liées aux médicaments, dont plus d’une vingtaine de molécules se retrouvent aujourd’hui dans les eaux potables de Genève. «Bien que présentes à dose infime, certaines sont toxiques pour les animaux du lac, s’inquiète Johanna Sommer. Des perturbations ont notamment été observées sur les daphnies (crustacés) du Léman.»

 

Le groupe de travail n’entend pas s’arrêter là: «L’an prochain, nous essayerons d’intégrer des compétences cliniques sur ces sujets, souligne Estelle Delamare. Pour que notre projet puisse porter ses fruits, il faut que ces nouvelles connaissances puissent aussi être mises en pratique à l’hôpital.»

 

Pour élargir le débat au grand public, une conférence proposera, le 23 mai à 19h, un éclairage pluridisciplinaire sur les enjeux de l’interaction entre le système de soins, la santé et les changements environnementaux. Cette conférence sera suivie d’une table ronde réunissant des scientifiques de différents horizons et des représentant-es de la société civile. En préambule de la conférence, dès 17h30, un moment d’échange sera par ailleurs organisé avec le public et plusieurs associations actives dans les domaines du climat et de la santé.

ENVIRONNEMENT, CLIMAT ET SANTÉ: CITOYEN-NES ET SCIENTIFIQUES, AGISSONS ENSEMBLE!

Conférence d’Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale & de Jacques Dubochet, Prix Nobel de chimie 2017

Lundi 23 mai | 19h | Uni Dufour

 

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