- Événements
Symposium HealthCH 2025: repenser les soins intégrés en Suisse
Le 9 septembre dernier, l’Institut de santé globale de la Faculté de médecine de l’UNIGE a accueilli plus de 300 personnes de tous horizons afin de relever les défis qui jalonnent le développement des réseaux de soins intégrés en Suisse. Des enjeux majeurs politiques et économiques sur lesquels la recherche apporte un éclairage académique solide.
Numéro 54 - octobre 2025
© Camille Jouhaud
Le Symposium Health CH, organisé par les formations en Management des organisations de santé de la Faculté de médecine, s’est saisi d’un sujet essentiel pour la viabilité du système de santé suisse: comment développer et renforcer des réseaux de soins capables de répondre équitablement aux besoins de la population tout en maîtrisant les coûts?
Garantir la continuité de prise en charge
On entend par soins intégrés l'organisation de services de santé assurant une continuité de prise en charge coordonnée, efficace et de qualité, de la prévention à la prise en charge, y compris palliative et de réhabilitation. Ce modèle de soins repose sur la collaboration structurée entre les professionnel-les, les institutions, les patient-es et leurs proches et les organismes d’assurance afin d'assurer un parcours de soins cohérent et mieux adapté aux besoins individuels. Cela passe également par un usage plus large de la numérisation et des partages d’information.
Mais comment parvenir à un système véritablement centré sur les patientes et les patients? Quels sont les obstacles politiques, financiers ou encore organisationnels qui doivent être levés? Et du côté de la population, quels sont les points de réticence, et même de refus qui pourraient enrayer un système pourtant conçu pour être efficient par les professionnelles et professionnels de santé?
«Aujourd’hui, des réseaux de soins intégrés fleurissent un peu partout en Suisse, mais ces initiatives locales se développent en silos, prennent des formes variées et restent inégalement réparties sur le territoire national», détaille Karl Blanchet, directeur du programme et professeur à la Faculté de médecine. «Cette fragmentation empêche d’avoir une information claire sur leur efficacité et leurs éventuels écueils. D’où l’intérêt d’un symposium comme le nôtre: réunir toutes les expertises autour d’une même table afin de partager des expériences et faire avancer des solutions communes.»
Des enjeux éthiques et technologiques
Comme dans presque tous les domaines de la société, l’arrivée massive de l’intelligence artificielle est source d’opportunités mais aussi d’inquiétude. «Il est indispensable d’interroger sereinement les risques de la transformation du système de santé, notamment en termes de perte de souveraineté technologique, de faible soutien à la prévention et à la promotion de la santé, ou encore du peu de réflexion sur la durabilité au regard des ressources humaines, du climat et des limites planétaires», souligne Bertrand Kiefer, médecin et éthicien, orateur principal de la journée.
Une matière à réflexion pour le panel d’expert-es composé de spécialistes de santé publique et d’une représentante des assurances, pour qui l’intelligence artificielle, et la promotion de la santé sont clés, de même que le sentiment de perte de sens que de nombreux médecins ressentent. «Ces constats ne sont pas nouveaux, en particulier lorsque l'on examine l’évolution du travail et des métiers de la santé», indique Ingrid Gilles, co-responsable de l’étude SCOHPICA menée par Unisanté, qui vise à comprendre les trajectoires et expériences des professionnel-les de santé. «Pour qu’un système de santé fonctionne, il est indispensable que les préoccupations des professionnel-les soient entendues et prises en compte.» L’exemple du projet innovant de caisse cantonale publique à Genève, le projet Beluga, a permis d’évoquer d’autres obstacles à l’intégration des soins, à commencer par les aspects légaux contenus dans la substance même de la LAMal.
Formation et transformation au cœur des soins de demain
Le paysage des réseaux de soins intégrés est actuellement vaste et fragmenté. Il existe des réseaux de santé primaire, des entreprises de soins primaires, des régions de santé, des réseaux de patient-es, et des réseaux virtuels, qui reposent tous sur des typologies de patientèle et de professionnel-les différents. Or, pour assurer un bon fonctionnement et stabiliser les dépenses, il est vital d’inclure dans une même structure d’une masse critique de patient-es et de professionne-les. La collaboration en équipe pluridisciplinaire nécessite des formations, qui manquent aujourd’hui dans les cursus prégradués. Mais l’intégration des soins ne se réduit pas à des questions techniques ou financières : c’est aussi une transformation humaine et organisationnelle. Il est urgent de former, équiper et soutenir les managers de la santé à travers une approche fondée sur des données, des pratiques collaboratives et une vision systémique.
Ces enjeux soulignent l’importance de la recherche dans le domaine des soins intégrés, menée notamment par le Forum suisse des soins intégrés (fmc), qui travaille sur une typologie commune des différents modèles de soins intégrés — par exemple, les réseaux de soins ou «managed care organisations» et les modèles d’assurance alternatifs — ou encore, à la Faculté de médecine de l’UNIGE, le tout nouveau laboratoire de recherche en management des organisations de santé (HOM Lab), dirigé par Mathias Waelli, qui vise à accompagner les responsables de la santé dans le cadre d'une transformation profonde du système et à formaliser une recherche académique apte à soutenir les décisions politiques en la matière. La 2e édition du symposium HealthCH a mis en lumière une volonté partagée d’innover et de construire ensemble l’avenir des soins en Suisse, vers un système plus intégré, plus équitable et plus centré sur la population.
Retrouvez toutes les intervenantes et intervenants et le programme sur le site du symposium
Intéressé-e par le management des institutions de santé? Découvrez: