26 octobre 2023 - Rachel Richterich

 

Analyse

Le yoga pour lutter contre le stress scolaire

Dans sa thèse, Ulrika Dezé mesure les effets de la pratique du yoga et de la présence attentive sur des élèves d’école primaire, notamment sur la gestion du stress scolaire.

 

Yogi-52_J.jpg

Image: DR


La démarche est originale. Pour réaliser sa thèse de Doctorat en sciences de l’éducation, Ulrika Dezé a associé ses compétences de praticienne et formatrice de yoga à celles de chercheuse. Intitulé «Yoga et présence attentive en contexte scolaire: quel impact sur les compétences psychosociales et l’attention en période de transition?» son travail a été défendu devant un jury la semaine dernière. Il vise à évaluer les effets d’une pratique régulière du yoga et de la présence attentive, connue aussi sous le terme anglais de mindfulness, sur la gestion du stress, les capacités attentionnelles et les compétences sociales des élèves. Dans ce cadre, elle a non seulement enseigné cette pratique aux élèves, mais aussi mené les aspects scientifiques de la recherche. Entretien.


Le Journal: Qu’est-ce qui a motivé le choix de ce sujet de thèse?
Ulrika Dezé:
J’enseigne le yoga et la présence attentive à Paris, aux enfants pour lesquels/elles j’ai même créé un programme spécifique. Une dizaine d’années d’expérience auprès des élèves et des enseignant-es m’a amenée à vouloir évaluer scientifiquement l’impact de ces interventions, mais aussi à faire un travail réflexif sur ma propre pratique et l’apprentissage d’un nouveau métier: celui de chercheuse. L’école primaire dans laquelle a été menée la recherche a la particularité de proposer ces interventions dans le cadre périscolaire au primaire et au secondaire depuis longtemps.


Dans le titre de votre thèse, vous évoquez les effets de cette pratique sur les «compétences psychosociales» des élèves «en période de transition». De quoi s’agit-il?
La transition fait référence au passage du primaire vers le secondaire. Les compétences psychosociales sont celles définies par l’Organisation mondiale de la santé et, plus récemment, le référentiel de Santé publique France (2022). Elles incluent la conscience de soi et de ses émotions, la gestion de son stress, la capacité d’écoute empathique, mais aussi le développement des liens sociaux, entre autres.


Quels résultats avez-vous obtenus?
Nous avons pu observer que cette pratique, qui mêle postures et respiration, avait pour effet de réduire le stress chez certain-es élèves. Par ailleurs, en fin d’année scolaire, 50% des parents des élèves inscrit-es ont répondu que leur enfant avait «souvent» de la facilité à se relaxer par rapport à 24% au début de l’année.


Par exemple?
Certain-es élèves ont mentionné avoir utilisé ces exercices de respiration pour se détendre avant un examen en classe ou un rendez-vous chez le/la dentiste. Pour une élève en particulier, ces exercices ont amélioré sa capacité à s’endormir. Elle a ainsi pu partir en camp avec sa classe, ce qu’elle n’avait jamais pu faire avant. Le groupe de pratique a aussi fonctionné comme soutien, une solidarité s’est installée, elle s’est sentie encouragée par les autres.


Qu’en est-il de l’impact sur les compétences cognitives des élèves?
Les élèves sont parvenu-es à développer une meilleure attention à eux/elles-mêmes. Elles/ils ont pu réfléchir sur leur expérience de la pratique et sur la manière dont ils et elles vivaient cette transition vers le secondaire. Faire preuve d’une telle capacité d’attention à soi et de mise à distance avec les autres est remarquable à un si jeune âge. Il en est aussi ressorti une amélioration de leurs capacités de concentration. Ces compétences ont été particulièrement développées pendant la période du confinement et le format à distance.


Comment avez-vous procédé pour mesurer les effets de la pratique du yoga?
La recherche est basée sur une méthode mixte qui tient compte à la fois de données quantitatives issues de questionnaires et de données qualitatives obtenues sur la base d’entretiens avec l’ensemble des acteurs et actrices concerné-es – élèves, parents, enseignant-es et directeur de l’établissement. Ces évaluations ont été effectuées avant, pendant, à la fin du programme et quelques mois après (à l’entrée au secondaire). Le format de l’étude est longitudinal, car conduit sur une longue durée, en l’occurrence toute une année scolaire. Outre les 32 élèves qui ont suivi les 30 séances de pratique de yoga et de présence attentive dispensées sur l’année, nous avons aussi travaillé avec un groupe témoin de 28 élèves qui, pour leur part, n’ont pas bénéficié du programme.


Au vu des résultats, peut-on imaginer inclure le yoga aux plans d’études?
C’est très répandu dans les pays anglophones depuis une dizaine d’années déjà, en France également, principalement dans les écoles privées mais aussi dans les écoles publiques. En Suisse, certain-es enseignant-es formé-es au yoga et à la mindfulness incluent cette pratique dans leurs cours. De mon côté, je forme des enseignant-es dans diverses hautes écoles pédagogiques. Selon moi, c’est le format idéal: quand l’enseignant-e est formé-e à ces pratiques et peut intégrer quelques minutes d’exercices de respiration et de mouvements à plusieurs moments de la journée ou en cas de besoins spécifiques. L’étude met en évidence qu’il est très important de tenir compte des considérations pédagogiques adaptées à ce type de pratiques.

 

Analyse