3 novembre 2022 - UNIGE

 

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Le mont-de-piété genevois célèbre ses 150 ans

Instituée à Genève en 1872, la Caisse publique de prêts sur gages organise, le 11 novembre prochain, un colloque en collaboration avec la Faculté de droit. Spécialiste de ce type d’institution, Arnaud Campi revient sur ses origines.

 

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«Mont-de-piété», «chez ma tante», «au clou»: autant d’expressions employées pour désigner le prêt sur gage, une somme prêtée contre la remise d’un bien de valeur en guise de garantie, l’objet pouvant être vendu aux enchères si l’emprunteur/euse ne réussit pas à rembourser sa dette. Loin d’être reléguée au rang de curiosité historique, cette activité ancestrale a refait surface ces dernières années en raison des crises économiques successives. De plus en plus de personnes doivent en effet y recourir pour remédier à leurs difficultés financières. À Genève, ce sont ainsi près de 2800 prêts qui ont été accordés en 2021, pour un montant global de quelque 3,8 millions de francs (source: Rapport d’activité de la Caisse publique de prêts sur gages Genève).


Docteur en droit et chargé d’enseignement à la Faculté de droit, Arnaud Campi mène des recherches sur les aspects historiques et juridiques du prêt sur gage. Il s’intéresse plus particulièrement à l’évolution des institutions mises en place en Europe. «Plusieurs sources montrent que le prêt sur gage existait déjà dans les sociétés les plus anciennes, comme en Chine ou en Égypte, raconte le spécialiste. Mais ce sont les jurisconsultes de la Rome antique qui, les premiers, ont véritablement théorisé ce type de relation contractuelle.» C’est cependant à la Renaissance qu’émergent les premières structures publiques, sous l’influence de certains ordres religieux. «Les frères franciscains comprenaient des ordres dits "mendiants", qui faisaient vœu d’extrême pauvreté, explique Arnaud Campi. Ces derniers vivaient auprès des plus démuni-es, souvent écrasé-es par des dettes contractées auprès de prêteurs/euses privé-es, avec des taux d’intérêt pouvant s’élever jusqu’à 130%. Des ecclésiastiques, dont certains bénéficient d’une formation juridique, imaginent alors une alternative à ces usuriers/ères, inventant les "monts-de-piété", ce qui peut signifier "montants de charité".»

C’est à Pérouse, en 1462, que la première institution de prêt sur gage voit le jour, les ecclésiastiques ayant convaincu les autorités de cette cité de l’Italie centrale de mettre à disposition des fonds afin de prêter des sommes d’argent à des conditions avantageuses, sans frais ou à de très faibles taux d’intérêt. «Mais certains autres religieux vont décrier cette pratique qui enfreint, selon eux, l’interdiction de l’usure, raconte Arnaud Campi. La joute sera finalement tranchée en 1515, par une bulle pontificale qui légalise l’activité des monts-de-piété.» Les institutions de prêts sur gage vont dès lors essaimer dans la péninsule italienne, avant de se répandre dans toute l’Europe. «Elles se développent plus facilement dans les pays de tradition catholique et interventionniste, comme en France, note le chercheur. En 1804, Napoléon décrète d’ailleurs le monopole du prêt sur gage au bénéfice des monts-de-piété publics. Dans les pays réformés et libéraux, comme l’Angleterre, on observe également des tentatives d’institutionnalisation, qui ne prendront pas racine à l’instar de la Charitable Corporation à Londres au début du XVIIIe siècle. De nos jours, il n’y a d’ailleurs toujours pas d’institution publique de ce type sur sol anglais, mais une multitude de pawnshops, aux mains de prêteurs/euses privé-es.»

Genève établit sa Caisse publique de prêts sur gages en 1872. Depuis 150 ans, cet établissement de droit public aide chaque année des milliers de personnes à surmonter leurs difficultés. «En Suisse, le Code civil consacre un système hybride qui reconnaît tant les établissements publics que privés, précise Arnaud Campi. Ainsi, un-e habitant-e de Versoix qui se dirigera du côté vaudois pour obtenir un prêt sur gage aura affaire à une société privée basée à Lausanne alors que si elle ou il adresse sa demande à Genève, celle-ci sera traitée par une caisse publique contrôlée et garantie par l’État.»

150 ANS DE LA CAISSE PUBLIQUE DE PRÊTS SUR GAGES

Conférences d’Arnaud Campi, chargé d’enseignement à la Faculté de droit, de Bénédict Foëx, professeur à la Faculté de droit, et de Dominique Tinguely, directeur de la Caisse publique de prêts sur gages

Vendredi 11 novembre | 15h | Uni Mail, auditoire MS150


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