Journal n°103

Elever un enfant pas comme les autres au jour le jour

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Le pédopsychiatre Stephan Eliez donnera une conférence sur les multiples questions que pose l’éducation d’un enfant souffrant d’un handicap, le 28 avril prochain à Uni Dufour

Professeur de pédopsychiatrie à la Faculté de médecine (Département de psychiatrie) et directeur de l’Office médico-pédagogique (DIP, Etat de Genève), Stephan Eliez est un spécialiste mondialement reconnu de la microdéletion 22q11, une maladie génétique rare se traduisant par des malformations cardiaques et des anomalies de la partie supérieure de la bouche qui touche environ un enfant sur 4000. Ses recherches l’ont amené à côtoyer de très nombreuses familles. De l’expérience acquise lors de ces rencontres est né le livre J’élève un enfant pas comme les autres (Editions Odile Jacob, 2015), facilement accessible à un large public, et l’idée d’une conférence qui se tiendra le 28 avril prochain.

Des familles de toute l’Europe cherchent à rencontrer le spécialiste de la microdéletion 22q11 que vous êtes. Vous prétendez toutefois qu’un spécialiste n’est pas forcément la personne la plus adéquate pour suivre un enfant handicapé. Pourquoi?

Stephan Eliez: Les spécialistes sont par essence peu nombreux. Or, même si la microdéletion 22q11 ne touche qu’un enfant sur 4000, cela représente tout de même plusieurs milliers de familles à l’échelle européenne. Matériellement, il ne m’est donc pas possible de les rencontrer toutes, de leur accorder le temps nécessaire. Mais, au-delà de ces contingences, j’estime que le suivi d’un enfant handicapé nécessite avant tout une connaissance du milieu médico-éducatif local. Un projet thérapeutique s’inscrit dans le long terme et comporte de nombreuses étapes. Une personne de référence, qu’elle soit médecin généraliste ou pédagogue, sera plus à même de savoir vers qui se tourner à chacune des étapes ou d’accompagner une famille dans les démarches administratives. Grâce à Internet, les connaissances qu’acquièrent certains parents sur la maladie de leur enfant en font des quasi-spécialistes, mais il leur manque bien souvent la vue d’ensemble et le recul nécessaire. Certaines familles veulent tout faire, tout de suite, pour le bien de leur enfant. Elles oublient parfois qu’elles se sont engagées dans un marathon. Un «coach thérapeutique» pourra leur éviter l’essoufflement après quelques kilomètres seulement.

Lorsqu’il est question de maladies génétiques, le diagnostic est toujours délicat. Faut-il à tout prix savoir?

Le choix du diagnostic doit être laissé à la liberté de chacun. Pour ma part, j’estime que pour certaines maladies, il arrive qu’il ne soit pas déterminant. Mais dans la plupart des cas, un diagnostic clair est le point d’ancrage d’un projet thérapeutique élaboré en alliance avec les parents. Il permet également de ne pas passer à côté de quelque chose d’important. Dans le cas de la microdéletion 22q11, par exemple, environ un tiers des patients développent de graves symptômes psychotiques à l’adolescence. Si le diagnostic est posé, on peut traiter ces symptômes dès leur apparition et ce de manière beaucoup plus agressive que chez un adolescent normal. De plus, le diagnostic ouvre la porte aux traitements et à leur prise en charge par les assurances.

Il y a plusieurs degrés sur l’échelle du handicap. La conférence que vous allez donner peut-elle également intéresser des parents d’enfants moins «différents»?

Même s’il y a des points communs dans tous les parcours, la conférence portera avant tout sur le handicap avéré. Mais elle ne s’adresse par contre pas uniquement aux parents. La prise en charge d’un enfant handicapé a des répercussions sur la famille au sens large: la fratrie, bien entendu, mais aussi les grands-parents, les amis ou encore les conjoints des frères et sœurs. Le cercle de ceux qui peuvent être touchés par le handicap d’un enfant est très large. Même pour les proches qui ne sont pas directement impliqués dans le processus éducatif, le fait d’en connaître le poids peut faciliter les choses.

La cinéaste Sara Moon Howe, réalisatrice du film «Le complexe du kangourou», un documentaire qui suit le parcours de quatre mamans d’enfants autistes, sera également présente lors de votre conférence. Dans quel but?

Les images et les paroles de ce documentaire sont aussi fortes que ces femmes. Les extraits qui seront diffusés lanceront les thématiques abordées afin de favoriser le dialogue. Un dialogue qui est au cœur de mon métier.

| mardi 28 avril |

Parent d’un enfant pas comme les autres: retard mental, autisme, polyhandicap…

18h30 | Uni Dufour, auditoire U300