Journal n°103

Temps de chien sur une planète de la constellation du Renard

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Une équipe d’astronomes genevois et bernois a réussi à déterminer les conditions atmosphériques dantesques régnant sur l’exoplanète HD189733b grâce au spectrographe HARPS

Avis de canicule et de vent fort à très fort sur HD189733b. Le thermomètre devrait en effet dépasser 3000 degrés et les bourrasques atteindre plusieurs milliers de kilomètres par heure. La perturbation risque malheureusement de se prolonger encore quelque temps.

Rédigé par des astronomes des Universités de Genève et de Berne dans le cadre du Pôle de recherche national PlanetS, le bulletin météo de cette planète géante et gazeuse orbitant autour d’une étoile située à 63 années-lumière de la Terre (dans la constellation du Renard) n’invite pas au voyage. Il représente toutefois une prouesse technique rendue possible grâce à la précision du spectromètre HARPS de fabrication genevoise et installé sur le télescope de 3,6 mètres de l’ESO (Observatoire européen austral) au Chili. Parus conjointement dans les revues Astronomy et Astrophysics en mars et Astrophysical Journal Letters en avril, ces résultats ouvrent la voie à l’étude des atmosphères des planètes extrasolaires, qui se profile comme l’un des principaux champs de recherche de cette discipline pour ces prochaines décennies.

Vue depuis la Terre, la planète HD189733b présente la particularité de passer pile devant son étoile. Ce bref transit – il dure moins de deux heures et survient tous les deux jours – modifie légèrement la luminosité du système et permet ainsi aux astronomes d’isoler le signal propre à la planète de celui, très envahissant, de l’astre.

Traces de sodium

Les chercheurs ont alors isolé cette émission et se sont concentrés sur le sodium qui produit un signal facilement reconnaissable et dont l’analyse permet de déduire les conditions atmosphériques qui règnent sur la planète.

La mesure du sodium a déjà été exploitée à cette fin par le télescope spatial Hubble et par des observatoires terrestres géants de 8 à 10 mètres de diamètre, les seuls assez sensibles pour détecter le signal.

A l’Université de Genève, les astronomes ont eu l’idée de reprendre les archives du spectromètre HARPS et d’utiliser des données récoltées par cet appareil en 2006 et 2007. Aurélien Wyttenbach, chercheur au Département d’astronomie (Faculté des sciences) et premier auteur de l’article d’Astronomy et Astrophysics, a ainsi pu isoler le signal généré par la présence du sodium et en analyser les variations.

Il en ressort que la détection réalisée par HARPS offre une sensibilité équivalente à celle du télescope spatial Hubble. En revanche, sa résolution spectrale est de loin meilleure. Et c’est ce dernier aspect qui a permis d’obtenir une analyse bien plus fine de l’atmosphère en dépit d’un télescope au diamètre relativement modeste.

Vent et chaleur

Résultat: il fait chaud et le vent souffle plus que violemment sur ce corps céleste lointain. Ces conditions s’expliquent en partie par le fait que HD189733b est plus proche de son étoile que Mercure du Soleil. De plus, les forces gravitationnelles de l’astre ont bloqué la rotation de la planète. Sa face exposée est donc continuellement chauffée tandis que la face opposée demeure toujours dans la nuit et est plus froide. C’est la redistribution de la chaleur qui crée ces vents violents.