Journal n°104

Genève a baissé sa consommation de 3%

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Partenaire de l’UNIGE dans le cadre de la chaire en efficience énergétique, le producteur et distributeur électrique Services industriels de Genève (SIG) est en première ligne sur le front de la transition énergétique. Comment convaincre les consommateurs de réduire leur empreinte environnementale? Par quels leviers? Eléments de réponse avec Gilles Garazi, directeur de la transition énergétique des SIG.

La politique énergétique suisse et européenne est basée sur la diminution de la consommation et l’augmentation de la production renouvelable. Ces deux volets correspondent-ils à la stratégie des SIG?

Gilles Garazi: Absolument. Il y a trois ans, les SIG se sont dotés d’une stratégie d’entreprise reposant principalement sur le pilier de la réduction de la dépendance énergétique du canton de Genève vis-à-vis de fournisseurs externes. Cet objectif passe par différents programmes, comme éco21, qui vise à aider les Genevois à réduire leur consommation d’énergie et leurs émissions de CO2, ainsi que par d’autres initiatives cherchant à privilégier et à augmenter la production des ressources renouvelables cantonales. Notre stratégie consiste à agir aussi bien sur la consommation que sur la dépendance énergétique du canton, le tout en valorisant les sources renouvelables.

Encourager les clients à rationaliser leur consommation, n’est-ce pas une attitude schizophrénique pour un producteur-distributeur électrique?

Sur le volet de l’électricité, nous produisons nous-mêmes 30% de ce que nous vendons aux Genevois. Le solde représente des électrons que nous achetons chez d’autres producteurs, dont nous certifions l’origine par le biais de certificats. Tout ce que nous mettons en place pour faire baisser la consommation a des incidences sur les flux à la fois énergétiques et financiers qui transitent à l’extérieur du territoire cantonal. C’est l’intérêt du canton de Genève et des SIG de favoriser cette mue. Et cet objectif répond bien à la mission des SIG, entreprise publique appartenant à 100% aux collectivités genevoises.

Quelle est la part des énergies renouvelables dans votre offre?

Aujourd’hui, plus de 90% de l’électricité que nous fournissons est d’origine renouvelable, et notre offre est à 100% d’origine non nucléaire. Une majorité de Genevois a opté pour notre gamme Vitale, qui propose de l’énergie totalement renouvelable.

Le consommateur est donc prêt à payer un surcoût pour favoriser les énergies vertes?

Lorsqu’ils ont le choix, que les conditions-cadres et que les prix favorisent ce choix sans porter trop atteinte à leur porte-monnaie, les consommateurs se montrent en effet volontiers éco-responsables.

Quels sont les résultats de vos programmes de réduction de la consommation d’énergie?

Jusqu’en 2007-2008, la consommation n’a cessé de croître. Elle est maintenant stabilisée. Grâce à notre programme éco21, mais aussi à des facteurs exogènes comme l’interdiction des ampoules à incandescence en Europe, nous avons même enregistré une réduction de 3%. Cela correspond à la consommation annuelle d’une ville comme Meyrin ou Vernier. Je note qu’en dehors du Danemark et des Etats-Unis, Genève est seule à pouvoir se targuer de tels résultats.

Les consommateurs ne sont-ils pas poussés à disposer toujours plus d’appareils électriques de chez eux?

Les appareils consomment toujours moins. A écran comparable, grâce à l’évolution technique, une télévision actuelle est bien moins énergivore qu’un appareil des années 1980. Mais les consommateurs font aussi le choix du confort en décidant d’avoir plus d’une télévision par ménage, ou de disposer d’appareils grand écran, plus gourmands. On appelle cela l’effet rebond: une partie du gain énergétique est dépensée en confort. C’est la même chose pour les logements. Les appartements sont toujours mieux isolés, mais les habitants chauffent d’un ou deux degrés supplémentaires.

Les consommateurs sont-ils toujours libres de leur choix?

Ce n’est clairement pas le cas. A Genève, 80% de la population est locataire. Or un locataire ne peut pas décider de son mode de chauffage ou de son équipement ménager, mais il conserve le choix de leurs modes de transport. Les gens disposent donc de parcelles de pouvoir sur lesquelles ils peuvent agir.

Qu’attendent les SIG d’une collaboration académique telle que celle qui vous lie à l’UNIGE?

Nous savons transformer un habitat énergivore en immeuble passif hautement éco-efficient. Mais cela demeure très cher. Nous avons intérêt à comprendre quels sont les moteurs et les leviers que nous pouvons activer pour tenter de changer les habitudes de consommation. Soumis à des contraintes d’exploitation, des facteurs d’incertitude, des motivations psychologiques, les acteurs de la société ne procèdent pas toujours à des choix rationnels (lire ci-contre). Grâce à son expertise dans des domaines comme l’économie, la psychologie, la méthodologie ou les sciences de l’énergie, l’UNIGE peut nous aider à mieux comprendre comment les acteurs opèrent leur choix.

Les sciences affectives scrutent les facteurs dictant nos décisions
Dans le sillage de la chaire en efficience énergétique