Journal n°104

Provoquer l’accouchement peut bénéficier aux fœtus trop gros

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Le déclenchement du travail en fin de grossesse, à 37 ou 38 semaines et pour des fœtus dont le poids excède la moyenne, permet d’éviter des traumatismes néonataux sans élever le risque de césarienne

Les fœtus dont le poids est supérieur à la moyenne (macrosomie) présentent un risque accru de traumatisme néonatal. Une étude parue le 8 avril dans la revue The Lancet montre que, dans ces cas, le déclenchement précoce du travail chez les femmes à 37-38 semaines de grossesse apporte des avantages notamment en termes de dystocie des épaules (difficulté d’engagement des épaules après l’expulsion de la tête).

Moins d’interventions

Les auteurs de l’article, dirigés par Michel Boulvain, professeur associé au Département de gynécologie et obstétrique (Faculté de médecine) et médecin adjoint aux Hôpitaux universitaires de Genève, ont également constaté que cette procédure n’augmente pas le risque de césarienne tout en diminuant celui d’interventions lors de l’accouchement.

La dystocie des épaules peut provoquer des fractures de la clavicule, des blessures du plexus brachial ou encore des asphyxies. La césarienne représente certes une solution mais, sur le plan statistique, le nombre d’opérations nécessaires pour éviter une complication qui s’avérerait permanente est particulièrement élevé. Cette stratégie n’est donc recommandée que pour les cas les plus extrêmes, lorsque le poids estimé du bébé à la naissance dépasse les 4500 grammes.

L’autre option consiste à provoquer le travail avant la 39e semaine. Le problème, selon les auteurs, c’est que, dans ce cas, on augmente les risques de césarienne et, plus généralement, ceux liés à la prématurité, à savoir une mortalité et morbidité accrue du nouveau-né.

De rares études antérieures ont même montré que le déclenchement du travail en cas de macrosomie n’augmente pas le risque de césarienne mais n’apporte aucun bénéfice non plus en ce qui concerne la dystocie des épaules. Ces conclusions sont toutefois limitées, estiment Michel Boulvain et ses collègues, en raison du petit nombre de femmes étudiées.

Une idée plus précise

C’est pour se faire une idée plus précise sur la question que cette nouvelle étude a été lancée. Conduite dans 19 hôpitaux suisses, français et belges entre 2002 et 2010, elle porte sur 825 femmes en fin de grossesse et dont le fœtus présente un poids sensiblement supérieur à la moyenne. C’est-à-dire qu’il n’est pas encore suspecté de macrosomie mais que celle-ci est imminente.

Une moitié de ces femmes a subi un déclenchement du travail entre la 37e et la 38e semaine tandis que l’autre a été accompagnée jusqu’au début spontané de l’accouchement. Les bébés du premier groupe ont un poids moyen à la naissance de 3,8 kilogrammes contre 4,1 pour ceux du second.

Les bénéfices mesurés par les cliniciens (moins de dystocies des épaules, dont une diminution des fractures de la clavicule, pas d’augmentation de césariennes, etc.) sont qualifiés de significatifs. Les complications néonatales se sont, elles, avérées équivalentes à l’exception des «jaunisses» du nourrisson, traitées par photothérapie, plus fréquentes chez les bébés dont la naissance a été déclenchée à 37-38 semaines.

Les auteurs de l’étude ainsi que celui d’un commentaire accompagnant l’article de The Lancet et rédigé par un chercheur de l’Université de Portland, insistent cependant sur le fait qu’il est nécessaire de discuter en profondeur avec les praticiens et les patientes des risques et avantages d’une telle pratique avant de changer les recommandations internationales en la matière.