Journal n°106

«Pour continuer à progresser, il faut soutenir l’innovation»

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Choisi par l’Assemblée de l’Université et nommé par le Conseil d’Etat, Yves Flückiger est devenu cet été le nouveau recteur de l’institution. Il dévoile sa stratégie pour les quatre ans à venir

La direction de l’alma mater a un nouveau visage. Succédant à Jean-Dominique Vassalli, l’économiste Yves Flückiger a pris les rênes de l’institution le 15 juillet dernier. Entretien.

Le maintien de la polyvalence figure en première place parmi vos priorités. Pourquoi?

Nous sommes la seule haute école de Suisse romande à couvrir l’ensemble des disciplines scientifiques, et cela a été l’un des points forts de notre développement récent. La complémentarité des regards scientifiques que nous proposons est indispensable pour aborder les grandes questions de société et préparer nos étudiants aux défis qu’ils devront affronter. Prenez par exemple la problématique de la gestion de l’eau douce. Pour l’aborder, il faut mettre autour de la table des climatologues, des juristes, des géographes, des hydrologues, des économistes, etc. Notre institution a cette capacité fantastique. Polyvalence ne signifie toutefois pas que chaque sous-discipline doit immuablement être présente en notre sein. Il est donc important de mener des réflexions sur nos programmes, qui peuvent être amenés à se développer, à se modifier, voire peut-être à disparaître.

Vous souhaitez améliorer la qualité de l’apprentissage. Comment concrétiser cela?

Il s’agit de replacer les étudiants au centre de nos préoccupations. Améliorer «l’expérience étudiante», notamment la qualité de l’apprentissage, ne signifie pas uniquement augmenter le nombre d’assistants. Les nouvelles technologies doivent être utilisées pour optimiser le temps que les enseignants consacrent aux étudiants. Les dispositifs de «classe inversée» par exemple permettent aux étudiants de profiter de la présence des professeurs et des collaborateurs de l’enseignement pour approfondir des sujets déjà étudiés à travers un enregistrement vidéo. La réflexion autour des MOOCs, et plus largement du e-learning, doit se poursuivre, de manière à offrir à nos étudiants un apprentissage beaucoup plus interactif.

Vous misez sur des infrastructures de pointe pour attirer les meilleurs chercheurs. Comment assurer leur financement?

C’est un réel souci pour notre rectorat. Il sera indispensable de collaborer avec nos partenaires lémaniques pour l’achat de futures infrastructures de recherche particulièrement coûteuses. Simultanément, nous mettrons l’accent sur le rapprochement avec des mécènes et des fondations susceptibles de nous aider à développer nos axes d’excellence. Toutefois l’Etat ne doit pas se désinvestir, car aucun donateur ne sera prêt à compenser l’engagement de l’Etat. Le soutien du politique reste donc absolument nécessaire.

Vous souhaitez poursuivre le processus d’autonomisation de l’UNIGE. Pourquoi?

Bénéfique à l’UNIGE, l’autonomie se décrète facilement, mais se met en place de manière complexe. Après une première étape – nominations des professeurs, offre de formation, allocation des ressources selon une convention d’objectifs –, nous attaquons aujourd’hui une autre phase, celle du transfert de charges pour l’entretien et la gestion des bâtiments. Dans ce domaine, c’était l’Etat qui imposait des choix pas toujours les plus adaptés pour l’Université. Nous sommes davantage à même de définir les priorités du campus. Ce processus est en cours, mais il devrait s’accompagner d’un transfert des ressources nécessaires pour assumer ces nouvelles tâches. Et l’autonomie pourrait aller encore plus loin: l’Office du personnel pourrait ainsi nous transférer la charge de la gestion des salaires ou l’Office des bâtiments celle de leur rénovation. Cependant, l’exercice a aussi ses limites si le transfert des charges implique au final un coût plus élevé pour la collectivité.

Quels sont les moyens que le Rectorat mettra en œuvre pour améliorer les perspectives de la relève académique?

Chaque Faculté devra se doter d’une commission de la relève qui puisse accompagner chaque collaborateur sur le chemin de sa carrière académique. Ce qui ne signifie pas qu’il faille garantir à chacun une place à l’UNIGE. Seule une petite minorité de doctorants poursuivra une carrière académique, et seule une toute petite partie de ceux-ci au sein de notre institution. Il s’agit plutôt d’offrir des informations sur les possibilités offertes à l’issue du doctorat ou du post-doctorat, ainsi qu’un suivi personnalisé comme l’évaluation de l’avancement du dossier ou la fixation d’objectifs. Des postes supplémentaires de professeurs assistants seront par ailleurs ouverts. En effet, les universités qui auront démontré un effort pour la relève verront des ressources fédérales financer la suite.

L’UNIGE a obtenu le 58e rang dans le ranking de Shanghai. Faut-il viser encore plus haut?

Oui, mais cela sera difficile et ne doit pas se faire au détriment de notre politique générale. Pour pouvoir progresser, il faut continuer à soutenir une recherche innovante, à la fois libre de questionner tout sujet et fière de l’impact qu’elle peut avoir sur la société. Si nous sommes l’université de Suisse qui a connu la plus forte progression ces dix dernières années, cela est aussi dû aux ressources supplémentaires accordées par le Conseil d’Etat, qui ont permis de profiler l’UNIGE sur des axes d’excellence. Toutefois, les 30 premières places restent inaccessibles pour une institution ayant un budget aussi faible que le nôtre en comparaison avec les universités qui occupent la tête de ces classements. Cela ne doit pas nous empêcher d’être volontaires et d’essayer d’améliorer notre institution, à travers sa position dans les classements bien sûr, mais aussi dans le quotidien des étudiants, des chercheurs, de tous nos partenaires et de la société civile.


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