Journal n°110

La lutte mondiale contre le HIV/sida prend de la vitesse

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Nouvelles découvertes, accès facilité au traitement, vente d’autotests sans ordonnance: le monde adopte une stratégie d’accélération de la lutte contre le sida, l’objectif étant éradiquer la maladie d’ici à 2030

Le 8 octobre dernier, une équipe de chercheurs comptant un bio-informaticien de la Faculté de médecine de l’UNIGE annonçait avoir élucidé le mécanisme d’action de la protéine Nef, clé de voûte du dispositif infectieux du VIH (lire notre édition du 8 octobre). Dans le même temps, l’OMS recommandait que chaque personne séropositive soit traitée immédiatement plutôt que d’attendre d’abord une détérioration de son système immunitaire. De son côté, le programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida) s’est donné pour objectif de mettre fin à l’épidémie d’ici à 2030. Sur tous les fronts, la riposte contre le sida s’accélère donc.

Microépidémie suisse

A l’échelle de la planète, le virus concerne aujourd’hui 37 millions de personnes. A Genève, c’est 1 habitant sur 100 qui est séropositif et 50 à 60 personnes qui sont diagnostiquées chaque année. «Ce chiffre est stable depuis un certain temps, constate Alexandra Calmy, professeure au Département de médecine interne des spécialités et responsable de la consultation VIH/sida aux HUG. Une microépidémie est donc toujours active dans le canton, et même si elle n’est pas de grande ampleur, elle reste l’une des plus importantes de Suisse. Il est donc important d’en parler, de signaler que l’infection existe et circule encore à Genève.»

Pour réguler sa propagation, l’objectif est de diagnostiquer chaque nouvelle infection le plus rapidement possible, afin de donner les meilleures chances au patient. «Aujourd’hui, les médicaments sont suffisamment efficaces pour que les personnes séropositives disposent d’une espérance de vie quasiment identique à celle de la population générale, constate Alexandra Calmy. Ce n’est toutefois pas le cas lorsque le diagnostic arrive trop tard, quand le système immunitaire est déjà très atteint, ce qui se produit encore une fois sur deux.»

Bienfait collectif

Pionnier de la lutte contre le sida à Genève, Bernard Hirschel s’est illustré en 2008 en publiant, avec son homologue Pietro Vernazza, un article stipulant que les personnes séropositives qui suivent un traitement antirétroviral efficace ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle. Très contestée à ses débuts, l’idée du bienfait collectif du traitement a depuis fait ses preuves, étant confirmée par plusieurs études, notamment au sein de couples dont l’un est séropositif et l’autre pas. «Si l’on pouvait traiter l’ensemble des séropositifs, aucune nouvelle infection ne serait alors possible et la maladie s’éteindrait d’ici une ou deux générations», se met à rêver Bernard Hirschel. Mais dépister tout le monde est impossible dans le contexte actuel, si bien que les personnes qui ignorent leur statut continuent à maintenir un niveau d’infection non nul, même s’il est faible.

Pour améliorer le taux de dépistage, des autotests du VIH ont fait leur apparition en France en septembre dans les pharmacies. Vendus sans ordonnance pour moins de 30€, ils donnent un résultat en quinze minutes, à partir d’une goutte de sang. «L’autotest répond à une demande, tout le monde ne souhaitant pas forcément être accompagné dans cette démarche comme l’exige la politique de dépistage en Suisse», explique Alexandra Calmy. Ainsi, l’autotest est interdit à la vente dans notre pays, du moins encore aujourd’hui. Une situation que les deux professeurs déplorent.

Stratégie novatrice

Côté prévention, le discours a également changé parmi les spécialistes. «La prévention basée sur l’utilisation seule du préservatif a fait son temps, selon Alexandra Calmy. Les stratégies de prévention adoptées actuellement sont plurielles et, pour certaines, extrêmement novatrices, comme par exemple la prophylaxie avant exposition. Il s’agit d’utiliser un médicament – le Truvada – pour prévenir l’acquisition du virus dans les populations à haut risque, qui ne veulent ou ne peuvent pas éviter les rapports sexuels non protégés.»

La situation mondiale est plutôt encourageante, même dans les pays en voie de développement. Aujourd’hui, plus de 15 millions de personnes ont accès à une thérapie antirétrovirale, soit 40% de la population infectée. Grâce au Fonds global de lutte contre le sida, la malaria et la tuberculose, le précieux médicament est en effet accessible dans la grande majorité des régions à haute prévalence. Dans un pays comme le Botswana, près de 80% des citoyens séropositifs sont désormais traités. «Le VIH a permis de faire émerger l’idée qu’un médicament ne doit pas forcément avoir le même prix partout, se réjouit Bernard Hirschel. Grâce à la diminution des coûts et aux différents programmes de financement, le nombre de morts est passé de 3 millions à 1,2 million par an.»

Sur le plan de la recherche, plusieurs pistes sont actuellement explorées. La première vise à améliorer les traitements dispensés. Alexandra Calmy précise: «Les médicaments actuels sont très bien tolérés. Mais quand on parle de traitement à vie, un seul effet secondaire est déjà de trop.» Les chercheurs s’efforcent également de trouver des moyens de guérison. L’espoir est encore faible, un seul patient ayant été guéri parmi les 35 millions de personnes infectées. Quant au développement d’un vaccin préventif, Bernard Hirschel précise que «cela fait trente ans qu’on en parle et ça n’a toujours rien donné». Les travaux actuels se dirigent vers une meilleure connaissance de la phase de latence du virus, qui empêche la guérison définitive. Faire sortir le virus de cette phase, améliorer l’immunité, le tout en combinaison avec un traitement limitant la multiplication du virus, voilà les voies qui devraient permettre de rêver un jour à la guérison du VIH.


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