Journal n°110

Les galaxies primitives ont sorti l’Univers des «âges sombres»

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La découverte de plus de 250 galaxies primitives, dont les plus petites galaxies naines de première génération jamais observées, fournit des indices importants sur la nature de l’Univers primordial

Les toutes premières galaxies apparues après le big bang étaient petites mais nombreuses. Et leur luminosité cumulée a contribué de manière décisive à mettre fin aux «âges sombres» qui ont régné durant les premières centaines de millions d’années de l’Univers.

Ce résultat, obtenu grâce à l’analyse de plus de 250 galaxies primitives découvertes à l’aide du télescope spatial Hubble, offre de nouveaux éléments de réponse à l’un des défis les plus importants de la cosmologie observationnelle, à savoir l’identification des sources de lumière responsables d’un épisode clé de l’histoire de l’Univers, celui de la «Réionisation».

Période obscure

Réalisée par une équipe internationale d’astronomes menée par l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et à laquelle a participé Daniel Schaerer, professeur au Département d’astronomie (Faculté des sciences), cette étude doit paraître prochainement dans la revue Astrophysical Journal.

Selon la chronologie théorique des événements reconstituée par les scientifiques, l’Univers encore jeune passe par une longue période d’obscurité qui commence environ 380 000 ans après le big bang. A cet instant, la température est suffisamment basse pour permettre la formation d’atomes d’hydrogène électriquement neutres (c’est-à-dire qui conservent leur électron). Un rayonnement thermique est alors libéré (il est encore visible aujourd’hui sous la forme du fond diffus cosmologique). Après cet épisode, en l’absence de toute source de lumière, l’Univers est plongé dans l’obscurité totale.

La durée de ces âges sombres est estimée à quelque 400 millions d’années et prend fin au moment où les premiers astres, créés par effondrement gravitationnel, commencent à s’allumer. Ces étoiles sont très probablement des géantes, entre 30 et 300 fois plus grosses que le Soleil, et leur vie est brève. Elles explosent en de puissantes supernovas dont le rayonnement très énergétique ionise les atomes d’hydrogène environnants, dissipant progressivement le brouillard régnant dans l’Univers et le rendant transparent à la lumière.

Tentant de passer de la théorie à la pratique, les auteurs de l’article ont essayé de localiser ces sources de lumière primitives. Pour ce faire, ils ont utilisé les images prises par le télescope Hubble dans le cadre de son programme Frontier Fields. Ces clichés ultra-précis révèlent les objets les plus lointains jamais observés – et donc les plus anciens – parce qu’ils exploitent l’effet de «lentille gravitationnelle» provoqué par la présence d’amas de galaxies dans le champ de vision. La masse de ces derniers courbe la trajectoire de la lumière et amplifie des signaux venus de sources encore plus éloignées situées juste derrière.

Rôle indispensable

Les astronomes ont ainsi découvert 252 galaxies naines de première génération telles qu’elles étaient entre 600 et 900 millions d’années après le big bang. En observant le rayonnement ultraviolet de ces galaxies, ils ont pu déterminer pour la première fois avec une bonne certitude que les galaxies les plus petites et les plus répandues sont impliquées dans la réionisation de l’hydrogène et ont joué un rôle indispensable dans ce processus de formation de l’Univers.