Journal n°84

«Tshishipiminu», une rivière amérindienne

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Au Québec, une recherche en géographie donne lieu à une exposition destinée à la population ilnu. Une manière de rendre à ces autochtones l’environnement qui fut le leur

Tshishipiminu signifie «notre rivière» en nehlueun, la langue des Ilnu, qui forment une «Première nation», une de celles qui, comme tant d’autres populations amérindiennes, a été mise devant le fait accompli de son expropriation lors de la colonisation du Canada par les Européens.
«Tshishipiminu: occupation ilnu de la rivière Péribonka et barrages hydroélectriques», c’est l’appellation d’un projet auquel participe depuis deux ans Irène Hirt, chercheuse à l’UNIGE en géographie culturelle, dans le cadre de sa bourse européenne Marie Curie IOF ‒ International Outgoing Fellowship.

Dans les pas des Ilnu
Dans ce contexte, la post-doctorante a contribué à une exposition inaugurée début novembre au Musée amérindien de Mashteuiatsh, près du lac Saint-Jean, au Québec, en collaboration avec des chercheurs de l’Université Laval et des représentants des autorités locales ilnu.
Chasseurs, cueilleurs et trappeurs, les Ilnus ont longtemps fréquenté la rivière Péribonka, vaste cours d’eau quatre fois entrecoupé par des réservoirs et des digues montés pour la production hydroélectrique entre 1940 et 2008. Ces constructions ont entraîné des transformations dans la territorialité des Ilnu, soit dans leur manière d’investir leur territoire, de s’y mouvoir, etc. La communauté amérindienne de Mashteuiatsh est aujourd’hui confrontée aux problèmes sociaux et culturels des peuples qu’on a déracinés et dont les modes de vie ont été modifiés brusquement.
«Les barrages sont ambivalents pour les autochtones», commente Irène Hirt, «d’un côté, ils ont bouleversé un environnement qui leur était vital, mais aujourd’hui, ils sont perçus par certains comme des pourvoyeurs d’emplois».

Un projet participatif
La chercheuse considère le projet auquel elle a contribué comme une «aide à un processus de deuil», qui est loin encore d’être achevé. L’exposition présentée au Québec raconte la rivière à partir du point de vue autochtone.
Une dizaine de panneaux abordent des thèmes tels que le patrimoine immatériel, l’impact des constructions modernes sur le mode de vie ilnu et sur la faune ou encore la constitution des repères géographiques. Elle prend aussi en considération les perspectives d’avenir formulées par les Ilnu pour la rivière.
Irène Hirt avait déjà travaillé avec une approche impliquant les autochtones au Chili, dans un projet de cartographie participative.