Journal n°99

Les immigrés vivent plus longtemps que les Suisses

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Une thèse montre que la longévité des personnes étrangères s’explique par une «culture de migration» qui leur offre un avantage face aux risques de la vie

C’est un de ces paradoxes qui passionnent les sociologues. Dans la plupart des pays industrialisés, les personnes d’origine étrangère jouissent d’une longévité supérieure à celle des autochtones alors qu’elles font plutôt partie des classes socio-économiques les plus défavorisées, celles qui sont habituellement davantage exposées aux risques de mortalité.

Tenter l’aventure

La thèse récemment défendue par Jonathan Zufferey, (Faculté des sciences de la société), dans le cadre du Pôle de recherche national LIVES, montre que c’est le cas aussi en Suisse. Selon l’auteur, l’explication se trouverait, au moins en partie, dans une «culture de la migration» qui s’exprimerait par plus d’ouverture et plus de volonté dans le caractère de ceux qui quittent leur pays et de leurs descendants.

Pour son travail, codirigé par les professeurs Michel Oris (Centre interfacultaire de gérontologie et d’études des vulnérabilités) et Gilbert Ritschard (Faculté des sciences de la société), le doctorant genevois a pu exploiter les données de la Swiss National Cohort, basées sur les recensements de 1990 à 2000 et sur l’ensemble des décès survenus en Suisse entre 1990 et 2008.

Il en ressort en première analyse que les migrants de première génération mais aussi ceux des suivantes meurent en moyenne plus tardivement que les Suisses. La différence la plus marquée se situe chez les ressortissants d’Europe du Sud et de l’Ouest qui représentent la plus grande partie de l’immigration. Aucune cause de mortalité ne permet d’expliquer ce paradoxe, les étrangers semblant posséder une plus grande résistance générale que les Suisses, même face au suicide.

Une façon d’expliquer le phénomène consiste à évoquer l’hypothèse dite des biais de sélection, selon laquelle seuls les plus résistants prennent le risque de se lancer dans une migration et sont à même de rester durablement dans le pays hôte. Elle n’est cependant pas suffisante, aux yeux de Jonathan Zufferey, car elle n’explique pas les différences de mortalité qui perdurent au sein de la deuxième génération.

Les plus vulnérables

En poussant plus loin l’analyse, le chercheur révèle que c’est dans les milieux les plus vulnérables que l’écart de mortalité entre migrants et natifs est le plus grand. Il en conclut que la longévité accrue des étrangers est due à un cumul de facteurs explicatifs – dont font partie les biais de sélection mais aussi cette culture de la migration – qui offrirait aux migrants un avantage face aux risques par rapport à la population locale.