Journal n°99

La possibilité d’un vaccin se rapproche

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Professeure au sein de la Faculté de médecine, Claire-Anne Siegrist coordonne un projet sur VSV-ZEBOV, l’un des candidats vaccins les plus prometteurs contre Ebola

«En 2015, il y aura au moins un vaccin contre Ebola qui sera enregistré auprès des autorités sanitaires parce que son ratio bénéfice-risque est acceptable. C’est du moins le credo de l’OMS et de la communauté scientifique.» Même si le chemin vers un vaccin définitif contre la souche du virus qui sévit en Afrique de l’Ouest est encore long, Claire-Anne Siegrist, professeure à la Faculté de médecine et directrice du Centre collaborateur de l’OMS pour l’immunologie vaccinale ainsi que du Centre de vaccinologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), constate d’ores et déjà le résultat des efforts déployés par les laboratoires universitaires comme ceux des groupes pharmaceutiques et d’ingénierie médicale.
«Il faut considérer la mise au point d’un vaccin comme un continuum. Pas moins de cinq candidats vaccins sont annoncés, et d’autres vont encore apparaître. Mais dans le domaine de la vaccinologie, il y a beaucoup d’appelés et très peu d’élus. Les cinq prochaines années vont apporter leur lot de nouveaux espoirs, mais aussi de désillusions», note la professeure.
Pour la communauté scientifique, un vaccin contre Ebola apparaît comme le Graal, au vu de l’urgence sanitaire ainsi que du fort intérêt médiatique généré par le virus. A l’UNIGE et aux HUG, Claire-Anne Siegrist est chargée par l’OMS de coordonner un projet sur VSV-ZEBOV, l’un des candidats vaccins les plus prometteurs contre Ebola. Développé par l’Agence de la santé publique canadienne, ce candidat régate avec d’autres vaccins actuellement en cours d’élaboration, en vue d’une éventuelle homologation par les autorités sanitaires. Ces recherches viennent compléter les essais cliniques actuellement menés aux HUG et consisteront en des analyses moléculaires et génétiques approfondies sur les échantillons prélevés sur les volontaires auxquels a été administré le candidat vaccin.

Données biologiques à foison
L’objectif est de comprendre en détail les effets de ce vaccin expérimental sur le système immunitaire, en investiguant toutes les variables biologiques et métaboliques observables.
«Il ne s’agit pas d’un vaccin comme les autres. Sa nature est chimérique: son cœur est celui du virus atténué de la stomatite vésiculaire, tandis que son enveloppe est celle du virus Ebola. Si nous savons tout de sa séquence génétique, cette chimère déjoue les pronostics sur la manière dont elle peut se comporter exactement dans l’organisme», explique la scientifique.
D’après les observations menées sur les modèles animaux, les chercheurs avaient déjà formulé des conclusions: le vaccin est capable de se multiplier dans le corps, il est en général bien toléré et surtout susceptible d’induire une réponse immunitaire pour protéger du virus Ebola.

Chimère insaisissable
VSV-ZEBOV était donc un bon candidat à l’étude de phase I chez l’homme, et l’échantillon exceptionnellement large de volontaires qui se sont prêtés à l’expérimentation fournit une riche quantité de données exploitables. L’urgence avec laquelle l’opération de vaccination expérimentale a été lancée n’a pas nui à la qualité du travail des équipes, estime Claire-Anne Siegrist. «Nous avons franchi toutes les étapes qui mènent à la validation des autorités d’éthique et de Swissmedic.»
Le nombre d’inconnues était important. «Au début, nous ne savions pas si le vaccin se multipliait une fois inoculé, dans quels tissus et pendant combien de temps, quels facteurs contribuaient à sa multiplication, à son efficacité chez l’humain, avec quelle posologie…», souligne la chercheuse. D’autres questions, liées en partie à la nature chimérique du vaccin, ont surgi au cours de la phase expérimentale, à mesure que les scientifiques analysaient les marqueurs de la réponse immunitaire à la vaccination. Par exemple, l’équipe qui a pris en charge les volontaires aux HUG a constaté des inflammations articulaires chez une dizaine d’individus, alors que le virus VSV ne provoque jamais de réactions de ce type.
A contrario, certains volontaires présentaient des boutons et des vésicules sur la peau, ce qu’on ne rencontre pas chez les victimes du virus Ebola. «Ce vaccin se comporte vraiment comme un mélange de ses deux composants. Parmi toutes les pistes que nous suivons, il faut trier, éliminer les impasses... C’est là qu’interviennent les outils de la biologie fondamentale, métabolique et génétique», souligne Claire-Anne Siegrist.
Les candidats vaccins que les chercheurs testent actuellement sont encore loin de prétendre au statut de vaccin final. La phase expérimentale ne donne que peu d’éléments d’information sur les risques d’exclusion auprès des populations naturellement fragiles, comme les femmes enceintes ou les enfants. Les résultats des recherches menées à Genève devront en outre être complétés par des études réalisées dans les pays affectés par l’épidémie.

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