Journal n°140

Des chercheurs dressent un portrait protéique complet de la trisomie

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Un garçon atteint du syndrome de Down présente une création à un défilé de mode à Madrid,
le 6 octobre 2017. Photo: G. BOUYS/AFP

Les symptômes de la trisomie 21, ou syndrome de Down, découlent d’une dérégulation dans la production des protéines que les mécanismes de contrôle des cellules n’arrivent plus à maîtriser. Le chromosome 21 surnuméraire qui caractérise cette maladie génère en effet un surplus protéique qui est en soi problématique mais qui en plus perturbe le fonctionnement des protéines synthétisées à partir des gènes situés sur les autres chromosomes. C’est ce qui ressort d’un article paru le 31 octobre dans la revue Nature Communications et auquel ont participé Stylianos Antonarakis et Christelle Borel, respectivement professeur honoraire et chercheuse au Département génétique et développement (Faculté de médecine).

Le syndrome de Down est la maladie génétique la plus fréquente. Il est caractérisé par une dysmorphie faciale, une déficience intellectuelle, une faible tonicité musculaire et une cardiopathie.

Les protéines sont intéressantes, car elles sont liées de manière directe avec les signes cliniques de la trisomie 21

Jusqu’à présent, les recherches se sont surtout concentrées sur l’analyse de l’ADN et de l’ARN messager. Les protéines sont elles aussi intéressantes, car elles sont liées de manière directe avec les signes cliniques de la trisomie 21, mais leur analyse globale à partir d’un échantillon de cellules est techniquement très difficile.

C’est pour surmonter cet écueil que l’équipe genevoise s’est associée à celle de Ruedi Aebersold, professeur à l’EPFZ. Cet expert mondial dans l’étude du protéome a en effet développé une nouvelle technique de spectrométrie de masse appelée SWATH-MS. Grâce à la sensibilité inédite de cet instrument, les auteurs de l’article ont pu mesurer les plus infimes variations quantitatives de 4000 protéines sur les 10 000 synthétisées par les cellules de la peau qui ont été choisies pour l’étude.

Ces dernières ont été prélevées sur une paire de jumelles monozygotes, c’est-à-dire partageant le même patrimoine génétique, dont l’une est atteinte d’une trisomie 21 et l’autre non.

Le renouvellement des protéines est accéléré dans les cellules trisomiques

Les chercheurs ont ainsi pu observer des variations quantitatives considérables de pro­téines correspondant à des gènes situés sur le chromosome 21 mais aussi sur d’autres. Les cellules disposent bien d’un mécanisme d’autorégulation capable de contrecarrer une surabondance protéique inhabituelle, mais il est dimensionné pour corriger des excès beaucoup moins importants que ceux générés par le chromosome 21 supplémentaire.

Il ressort également de l’étude que différentes sous-structures de la cellule sont touchées par la trisomie 21, plus particulièrement les mitochondries, responsables des processus énergétiques de la cellule. La maladie affecte en effet le protéome de ces organites (qui possèdent leurs propres gènes) dont le fonctionnement est perturbé. Ce dernier résultat a été confirmé avec l’étude de cellules provenant d’autres patients ayant une trisomie 21.

D’une manière générale, expliquent les auteurs, le renouvellement des protéines est accéléré dans les cellules trisomiques. Certaines de ces molécules s’assemblent en complexe pour accomplir une fonction précise. Les autres travaillent seules. L’étude montre que ce sont les protéines en complexe qui sont le plus rapidement dégradées dans les cellules trisomiques.

L’observation semble cohérente dans la mesure où les protéines qui s’assemblent se régulent mutuellement et naturellement en formant les complexes. En l’absence de partenaire, elles deviennent  non fonctionnelles et sont éliminées par la cellule. Les protéines solitaires, quant à elles, se retrouvent en surnombre sans être éliminées par la cellule, car elles sont toujours fonctionnelles.

L’étape suivante consiste à identifier quelles protéines dérégulées sont responsables de chacun des symptômes de la maladie génétique. Il convient également d’analyser d’autres types de cellules, telles que les neurones et les cellules cardiaques, eux aussi touchés par la trisomie 21. —