Journal n°140

La voix de la société civile dans le concert des nations

LEAH KIMBER
Doctorante en sociologie
Sujet de thèse: «The United Nations from a Different Perspective: The View from Civil Society»

LEAH-KIMBER-BREF.jpgL’Organisation des Nations unies suscite tantôt l’admiration, tantôt le questionnement voire l’agacement depuis sa création en 1945. D’un côté, elle crée des programmes et prend des décisions ayant un impact au niveau mondial. De l’autre, elle est pointée du doigt pour son inefficacité, liée à sa lourde bureaucratie, voire aux pressions exercées par certains de ses membres.

Pour rappel, l’ONU est constituée de 193 États-membres qui cotisent, selon leurs ressources, au fonctionnement de l’institution. Les gouvernements négocient des plans d’action au nom de leurs citoyens en se prétendant leur seul représentant légitime.

Or, depuis la chute du mur de Berlin en 1989, un nouvel acteur revendique sa place parmi les pre- neurs de décisions internationaux: la société civile. Une nouvelle force que l’ONU, en quête perpétuelle de légitimité pour assurer sa pérennité, intègre rapidement de manière formelle et institutionnelle. Dès la conférence sur l’environnement tenue à Rio en 1992, et pour chaque nouvelle négociation, l’ONU ouvre ainsi ses portes aux organisations non gouvernementales. Les membres de la société civile sont invités à partager leurs expériences de terrain et à apporter un certain niveau d’expertise au sein de l’organisation. On attend même parfois d’eux qu’ils bousculent les normes et valeurs édictées dans les quartiers généraux, Genève ou New York.

Qu’en est-il en réalité? À quel point la société civile participe-t-elle effectivement et influe-t-elle sur les prises de décision de l’ONU? Ma thèse de doctorat explore ces questions en adoptant la perspective de la sociologie des organisations. Si les études sur l’ONU débutent dès sa création, il faut attendre les années 2010 pour voir émerger des recherches qui documentent de manière empirique les pratiques organisationnelles de l’intérieur.

Adoptant la méthode d’immersion, telle une socio-anthropologue, j’ai observé et mené de nombreux entretiens au cœur de l’organisation onusienne, durant dix-huit mois, entre Genève, Sendai (Japon) et New York dans le contexte de négociations portant sur la gestion de risques de catastrophes naturelles. J’ai ainsi analysé les pratiques, les codes et les limites de l’inclusion voire l’exclusion s’opérant à différents stades d’un processus de négociation. Dans les faits, mes recherches montrent que la représentation de la société civile reste souvent l’apanage d’experts et d’élites transnationales. Ces groupes composites semblent par ailleurs davantage servir à légitimer les programmes onusiens qu’à exercer un réel contre-pouvoir. —

CONCOURS
Ma thèse en 180 secondes
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