Journal n°140

Il y a quarante ans disparaissait l’étudiant Alexei Jaccard. L’Université se souvient

image-3.jpgEn mai 1977, un étudiant suisso-chilien disparaissait en Argentine. Officiellement, Alexei Jaccard allait voir sa mère malade, qui s’était établie à Buenos Aires avec le reste de la famille suite au coup d’État conduit par Augusto Pinochet en 1973. En vérité, le jeune homme aurait traversé l’Atlantique pour rejoindre des membres du Parti communiste  chilien exilés en Argentine.

Au lendemain de la disparition du jeune homme, étudiant en géographie à l’Université de Genève, ses proches mettent sur pied un comité en vue de retrouver sa trace. Après s’être adressés à l’ambassade d’Argentine, qui les lance sur une fausse piste, sa femme et ses amis genevois organisent des manifestations à l’Université et sur la place du Molard. Ils envoient également un avocat enquêter sur place. Malgré le soutien du Rectorat et du Département fédéral des affaires étrangères, qui effectue diverses demandes auprès des autorités chiliennes et argentines, l’affaire piétine.
Tout laisse à penser le pire: l’étudiant a dû être capturé et éliminé par la police politique dans le cadre de l'opération Condor, menée conjointement par les services secrets du Chili et de ses alliés en Amérique latine, avec le soutien tacite des États-Unis.

Alexei Jaccard aurait été arrêté à Buenos Aires avant d’être transféré à Santiago, pour y être torturé

Le retour progressif à la démocratie au Chili à partir de 1990 laisse espérer que la lumière soit faite sur le sort réservé à l’ancien étudiant de l’UNIGE. Il faudra pourtant attendre encore dix-sept ans. En 2007, lors du procès de tortionnaires de la prison secrète «Simon Bolivar» à Santiago du Chili, spécialisée dans l’élimination des membres du Parti communiste, la description qui est faite de l’une de leurs victimes semble en effet correspondre à celle de l’étudiant disparu trente ans auparavant. Selon le récit de ses bourreaux Alexei Jaccard aurait été arrêté à Buenos Aires avant d’être transféré à Santiago, pour y être torturé. Il aurait été assassiné deux mois plus tard, sans que son corps ait pu être retrouvé.

L’histoire d’Alexei Jaccard reste un souvenir vivace pour nombre de ses contemporains, y compris à l’Université de Genève. Actuel recteur, Yves Flückiger comptait ainsi parmi ses camarades. Tout comme Aline Helg, devenue depuis professeure d’histoire contemporaine à la Faculté des lettres, et qui soutient aujourd’hui encore l’épouse du disparu. Grâce à la démarche d’un collectif issu de la CUAE au début des années 2000, l’auditoire MR380 d’Uni Mail est baptisé «auditoire des droits de l’homme en mémoire d’Alexei Jaccard». Sa veuve et Aline Helg obtiennent en 2004 qu’une plaque avec une brève explication soit posée à l’entrée de l’auditoire. Elles espèrent toujours que toute la vérité soit faite sur la disparition d’Alexei Jaccard et que son corps soit retrouvé.

Nouvelles générations Chili a pris le relais pour maintenir vivante la mémoire de l’ancien étudiant et de cette période sombre de l’histoire de l’Amérique latine

Quarante ans après les faits, un collectif Nouvelles générations Chili a également pris le relais pour maintenir vivante la mémoire de l’ancien étudiant et de cette période sombre de l’histoire de l’Amérique latine, à laquelle Genève s’est trouvée mêlée dans les années 1970 et 1980 en accueillant de nombreux exilés chiliens et argentins. Dans cette optique, le collectif plaide notamment pour que l’auditoire soit rebaptisé «auditoire Alexei Jaccard» et que figure un rappel de sa trajectoire ainsi que le contexte historique de sa disparition tragique. —