Journal n°157

Le Festival Histoire et Cité au fil de l’eau

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Pont de Lally sur la Falémé, affluent du fleuve Sénégal. Photo: Laboratoire Archéologie et Peuplement de l'Afrique

Avec la thématique de l’eau, le Festival Histoire et Cité s’est trouvé cette année un trait d’union, géographique d’abord, en élargissant son offre de Genève à Lausanne et à Sion. Trait d’union, ensuite, entre les préoccupations les plus contemporaines sur la crise environnementale et les données historiques les plus anciennes. Les cours d’eau et les océans ont en effet profondément marqué le développement des sociétés humaines, reliant les cités et les régions autour d’enjeux stratégiques complexes.

Pour réussir cet exercice de grand écart, la manifestation organisée par la Maison de l’histoire de l’UNIGE a défini cinq grands axes de discussion. Tour d’horizon.


H2O

Montée du niveau des océans, sécheresses à répétition, perte de la biodiversité, changements climatiques sont autant de menaces devenues réalité en ce début de XXIe siècle. Pour en parler, plusieurs intervenants, dont Dominique Bourg, cofondateur de la Charte de l’environnement et professeur à l’Université de Lausanne, François Jarrige, historien de l’industrialisation, et Audrey Pulvar, journaliste et présidente de la Fondation pour la nature et l’homme. Tous trois participeront à la soirée d’ouverture du festival, le 28 mars, sur le thème «La planète prend l’eau». Les enjeux écologiques de l’eau seront également discutés lors d’une table ronde réunissant, outre Dominique Bourg, Martin Beniston, professeur honoraire de l’UNIGE et ancien vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), et Mathieu Calame, ingénieur agronome et expert des problématiques agricole et alimentaire.

Les dégradations environnementales inspirent également des œuvres de fiction. Deux rendez-vous illustreront cette démarche: la projection de Beasts of The Southern Wild, de Benh Zeitlin, un long-métrage datant de 2012 qui utilise le décor de la Louisiane pour suivre le destin d’une famille aux prises avec les effets du changement climatique, et une rencontre avec Alice Ferney qui signe, avec Le règne du vivant, un ouvrage de fiction documenté sur les ravages provoqués par la pêche industrielle.


Eaux de vie, eaux de mort

Dans la société industrielle du  XIXe, les médecins prêchent les vertus de la baignade comme un moyen de se régénérer et de retrouver du tonus. La région lémanique attire ainsi une nouvelle catégorie de citoyens européens aisés: les touristes qui viennent se ressourcer au «bon air» des Alpes et fréquenter ses sources thermales et minérales. À ces villégiateurs s’ajoutent des convalescents auxquels ont été prescrites des cures. L’eau de source joue par conséquent un rôle primordial dans le développement d’un secteur économique qui ne cessera de prendre de l’importance en Suisse. Vincent Barras, professeur de biologie et de médecine à l’UNIL, et Piergiuseppe Esposito, de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne, apporteront     leur éclairage sur ce développement. Une table ronde évoquera cette thématique de l’eau comme élément thérapeutique et de pratique sociale à travers l’exemple des bains à Genève, du XVe au XIXe siècle.

Loin des rivages cossus du Léman, la Méditerranée est aujourd’hui le théâtre des tragédies liées aux migrations. Cette problématique sera abordée dans une perspective à la fois historique, avec le coprésident du projet Forensic Oceanography, Charles Heller, et en lien avec l’actualité, en compagnie de la journaliste Maurine Mercier, du président de l’association SOS Méditerranée Suisse Thomas Bischoff, et Akhet Téwendé, protagoniste du film Eldorado, du Suisse Markus Imhoof.


L’imaginaire de l’eau

Élément transparent, à la fois miroir et abîme, l’eau des fleuves, des lacs ou des océans convoque un imaginaire peuplé de créatures mythologiques, comme l’explorera une table ronde consacrée aux «Dieux d’eau», et de monstres, un motif magnifiquement traité par le réalisateur Jack Arnold dans Creature from the Black Lagoon en 1954. Depuis la Renaissance, la peinture se sert aussi de cette matière infiniment mouvante pour se détacher peu à peu de l’imitation de la nature et se transformer en un art tourné vers l’intérieur et la subjectivité, comme l’expliquera l’historien de l’art de l’UNIGE Jan Blanc.

L’eau sépare les continents et nourrit l’insularité. La littérature antillaise de langue française a fait de cette insularité l’une de ses composantes. Le Festival accueillera l’écrivain Patrick Chamoiseau pour parler du «partage littéraire des eaux», tandis que l’auteure Julie Gilbert viendra proposer aux Bains des Pâquis une sélection de textes pour une écoute d’eau.


La  gouvernance  de  l’eau


En 2017, trois fleuves, l’un en Nouvelle-Zélande, les deux autres en Inde, ont été reconnus comme des êtres vivants et dotés ainsi d’une personnalité juridique. Quels sont les enjeux et les conséquences de ces décisions? Par le biais du Geneva Water Hub et de sa chaire Unesco en hydropolitiques, l’Université de Genève est très engagée sur les questions transfrontalières relatives à la gestion des ressources hydriques. Alors que l’eau a été à l’origine de solutions innovantes pour coordonner les comportements humains et créer les premières institutions politiques à même de gérer en commun cette ressource, celle-ci s’avère aujourd’hui «un bien de plus en plus difficile à gouverner», relèvent Géraldine Pflieger et Christian Bréthaut, de la chaire Unesco. Cette problématique sera notamment évoquée lors d’une table ronde sur les enjeux de l’eau au Moyen-Orient, tandis qu’un café philosophique mettra l’accent sur la nécessité de faire parler lacs et cours d’eau et de leur associer des récits.


Les peuples de l’eau


Des installations lacustres du Néolithique, dont l’archéologie  a mis au jour de nombreux vestiges aux abords des lacs suisses, aux mégapoles modernes accolées aux océans, les peuplements humains affectionnent les environnements aquatiques. Aux VIe et Ve siècles avant notre ère, les principautés celtiques se fixent ainsi sur le littoral méditerranéen et le long des fleuves européens.  Cette thématique de la proximité à l’eau sera également évoquée par la présence de la journaliste Florence Hervé, auteure d’un ouvrage rassemblant une vingtaine de portraits de femmes entretenant un lien essentiel avec l’eau, ou celle de Bernard Vauthier, auteur d’un ouvrage historique sur la pratique de la pêche en Suisse romande. —

 

Festival Histoire et Cité, du 27 au 31 mars
Genève, Lausanne, Sion
Soirée d’ouverture, «La planète prend l’eau»
Jeudi 28 mars à 18h - Uni Dufour

Tous les événements sont gratuits, à l’exception des projections qui ont lieu aux Cinémas du Grütli (CHF 5.-/séance).

Horaires de la Librairie historique (hall Uni Dufour):
me 16h-21h; je 14h-21h; ve 10h-21h; sa 10h-20h

Organisation: Maison de l’histoire UNIGE