Journal n°161

Enquête au cœur des textes sacrés à la recherche des origines de l’antisémitisme

image-5.jpgPeut-on rire de l’antisémitisme? Lundi 20 mai à Uni Dufour, Delphine Horvilleur a prouvé que oui. Cette femme rabbin – l’une des trois seules de France – considère en effet la dérision comme l’une des clés de résilience qui permet au peuple juif de sortir de la tragédie de son histoire.
Touchée par l’accueil que lui avait réservé le public genevois, Delphine Horvilleur, invitée par la Licra-Genève, le Global Studies Institute, la Faculté de théologie, la communauté juive libérale de Genève et la Librairie Payot en collaboration avec l’association des étudiants Aespri, a ouvert son propos en rappelant que la semaine de la sortie de son dernier essai Réflexions sur la question antisémite, trois événements émaillaient l’actualité: parution d’un rapport sur les actes antisémites en France (+74% en 2018), tag «Juden» sur une boulangerie parisienne et détériorations d’images de Simone Weil.

Tout et son contraire

L’oratrice a ensuite annoncé clairement la couleur: elle ne livrera pas ce soir une recette pour se débarrasser de l’antisémitisme. «C’est malheureusement une doctrine qui resurgit constamment dans l’histoire», regrette-elle. Au fil des siècles, le Juif a ainsi été accusé de tout et de son contraire: il est à la fois trop riche et trop pauvre, il menace le système tout en l’incarnant, il est responsable du patriarcat comme du féminisme... «On reproche au Juif d’être en même temps l’autre et le même, de nous ressembler sans être tout à fait identiques, constate la conférencière. C’est ce qui rend complexe la lutte contre l’antisémitisme.» Pour elle, il est par ailleurs essentiel de distinguer  le racisme de l’antisémitisme afin de les combattre efficacement. Alors que le raciste méprise l’autre pour ce qu’il n’a pas, l’antisémite souffre en plus d’un complexe d’infériorité.
Si beaucoup d’ouvrages ont déjà été écrits sur la question, la valeur ajoutée de l’essai de Delphine Horvilleur est d’aborder la thématique sous l’angle de l’exégèse rabbinique. Ces spécialistes de la loi religieuse se sont en effet intéressés très tôt à la haine dont leurs fidèles étaient les victimes. Leur littérature offre ainsi des clés d’interprétation de l’antisémitisme actuel et des outils pour échapper à la tentation victimaire.
Dans son livre, Delphine Horvilleur propose donc une plongée dans les textes sacrés. Ces récits montrent comment la haine des Juifs s’éveille dans l’histoire et est transmise de génération en génération. L’hostilité d’Haman, racontée dans le plus grand récit d’antisémitisme biblique Le Livre d’Esther, est ainsi héritée de son ancêtre Amalek, dont la mère a été rejetée par les Juifs. La conférencière précise: «La littérature rabbinique nous enseigne ainsi que les nazis ou les responsables de pogroms sont des enfants d’Amalek.»
En guise de conclusion, Delphine Horvilleur a tenu à rappeler à l’auditoire que la lutte contre l’antisémitisme n’est pas seulement celle des Juifs, mais celle de chacun d’entre nous.  —