15 juin 2023 - Jacques Erard
Un manifeste pour réformer l’évaluation
Les générations d’étudiant-es se succèdent, les connaissances évoluent, mais les examens continuent, à peu de chose près, à se pratiquer comme au siècle dernier. Constitué en 2020, un groupe de réflexion propose un regard neuf sur ce passage obligé vers l’obtention des diplômes.
Examen de droit à Uni Mail en 2018. Photo: UNIGE
Classes inversées, apprentissage par projet, activités centrées sur l’étudiant-e: depuis une vingtaine d’années, les méthodes d’enseignement supérieur ont largement bénéficié de l’innovation pédagogique et de l’expérimentation des enseignant-es. Par contre, les modalités d’évaluation, elles, n’ont pratiquement pas évolué. La plupart du temps, l’examen sert à valider l’acquisition de connaissances en plaçant l’étudiant-e seul-e face à sa copie ou à son examinateur/trice, dans une situation qui ne correspond ni à celle de l’apprentissage – où le travail en groupe est souvent encouragé – ni à celle du monde professionnel – où, la plupart du temps, le travail est organisé en équipes.
Les questions soulevées par l’organisation des examens durant la pandémie ainsi que la généralisation des examens en ligne ont cependant déclenché une réflexion menée par des enseignant-es et des collaborateurs/trices du Pôle de soutien à l’enseignement et à l’apprentissage. Un groupe «Repenser les évaluations» s’est constitué autour de ces personnes. Il publie aujourd’hui un «Manifeste pour une évaluation à haute valeur ajoutée des connaissances à l’UNIGE».
Stratégies de réussite à court terme
Comment concilier le besoin de certifier les cursus d’apprentissage et une évaluation attestant véritablement d’une compréhension durable et profonde des notions enseignées? Trop souvent, constatent les auteur-es, l’évaluation est conçue comme une étape distincte de l’enseignement, ce qui incite les étudiant-es à se focaliser sur des stratégies de réussite à court terme.
«Dans de nombreux domaines, l’enseignement s’appuie sur des ressources disponibles sur internet, mais le jour de l’examen, les étudiant-es n’y ont plus accès. Il en résulte une évaluation déconnectée des réalités de l’apprentissage et du monde professionnel», observe Laurent Moccozet, chercheur au Centre universitaire d’informatique qui compte parmi les instigateurs/trices du groupe de réflexion avec son collègue le professeur Jean-Henry Morin.
Examens transversaux
L’un des objectifs poursuivis par le collectif, qui se réunit régulièrement depuis 2020, consiste à documenter des pratiques d’évaluation innovantes. Trois d’entre elles ont fait l’objet de publications sur la plateforme d’innovation pédagogique de l’UNIGE. Elles décrivent des expériences d’auto-évaluation, de team-based learning, ainsi que l’utilisation d’une grille permettant d’évaluer des compétences transversales. D’autres pistes sont envisagées, comme l’évaluation de plusieurs cours en un seul examen intégrant une dimension interdisciplinaire ou l’évaluation en groupe. Afin d’être mieux intégré au processus d’apprentissage, l’examen devrait en effet permettre à l’étudiant-e de mesurer ses progrès dans des compétences telles que la capacité à travailler en groupe, à collaborer, à établir des liens entre différents domaines d’études, à s’exprimer oralement et à rédiger. «La logique qui prévaut actuellement, basée sur le principe ‘un cours, un examen’ n’est plus adaptée à l’enseignement actuel», résume Jean-Henry Morin.
En rédigeant un manifeste, les membres du groupe entendent définir un cadre plus général pour l’évaluation et élargir leur réflexion au niveau institutionnel en s’adressant à tous et toutes les enseignant-es de l’Université.
«Manifeste pour une évaluation à haute valeur ajoutée des connaissances à l’UNIGE»