Notre Master en Sociologie

Les migrants résidents permanents vivent plus longtemps que les suisses

8 mai 2017



Chercheur et post-doctorant à l’institut de démographie de Genève, Jonathan Zufferey a présenté lors du Forum 2017 les résultats de cinq ans de recherches doctorales sur un thème relativement peu étudié, la mortalité des migrants à Genève. Les résultats de son étude quantitative en surprendront plus d’un.

Zufferey, qui a fraîchement sorti son livre tiré de sa thèse de doctorat, commence sa présentation en nous rappelant les causes directes le plus souvent mobilisées par les scientifiques pour expliquer la mortalité. Certains déterminants comme les comportements de santé (le fait de fumer ou de boire de l’alcool par exemple), les différentes attitudes envers le corps et les soins, l’exposition à des risques (telles que les conditions de travail ou les habitudes récréatives) ou les caractéristiques physiologiques (influence du génome) peuvent être relevés. Le chercheur a également rappelé les principaux facteurs sociaux de la mortalité, déjà largement documentés par les sociologues: le genre, le statut socio-économique, le statut matrimonial (être marié avec des enfants ayant un effet protecteur par exemple), l’origine. Les facteurs individuels et collectifs sont ainsi reliés d’une manière particulièrement complexes.

Les différences entre les natifs et les migrants ont aussi été étudiés, quoique peu en Suisse. Grâce à des statistiques pointues sur une base de données extrêmement riche, Zufferey a démontré que les populations d’origines étrangères en Suisse, contre toute attente, vivent en moyenne plus longtemps que la population autochtone. D’ailleurs, d’autres pays connaissent des résultats similaires. Aux USA, par exemple, des études ont montré que les habitants mexicains vivent plus longtemps que leurs homologues américains.  

Ces résultats sont pour le moins étonnants, car les positions sociales des migrants ont tendance à être moins élevées que les natifs. Plusieurs explications peuvent cependant expliquer ce paradoxe. Premièrement, des recherches ont mis en avant un certain “biais de sélection” : la migration est entreprise par des personnes en très bonne santé d’une part, et les pays d’accueil sélectionnent aussi ces personnes d’autre part. Dans les années 70, seuls les saisonniers en bonne santé étaient acceptés en Suisse par exemple. Deuxièmement, des explications culturelles ou en terme de soutien social sont aussi explorées, bien qu’elles soient moins pertinentes pour le cas suisse. Dans tous les cas, les explications sont complexes selon Zufferey et ne peuvent se réduire à une cause unique. Il a été souligné que si la mortalité est meilleure dans le groupe des migrants, leur état de santé est moins bon que celui des suisses qui occupent des positions sociales similiaires. Par ailleurs, les migrants sont plus souvent cantonnés à des positions sociales défavorisées par rapport aux natifs. Enfin, Zufferey n’a pas analysé la situation des populations vulnérables comme les personnes sans statut légal. Il s’est concentré sur le cas de la population résidente permanente.

 Pour le discutant, Claudio Bolzmann, qui est spécialisé dans le domaine des migrations à la HETS de Genève, le travail de Zufferey se pose comme véritable pionnier de la question de la mortalité chez les migrants en Suisse. Il a rappelé l’étude phare de Durkheim, qui avait déjà révélé que les migrants étaient moins enclins au suicide. C’est toujours le cas aujourd’hui et c’est un des facteurs qui contribue à expliquer l’inégalité de mortalité entre migrants et natifs. Bolzmann a souligné finalement combien il était important de poursuivre les recherches dans le domaine de la santé et de la migration, notamment par des études longitudinales.  

Camilla Andenmatten, étudiante du Master en sociologie, 8 mai 2017



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