Journal n°83

Un centre high-tech pour doper la formation du personnel de santé

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Inauguré le 20 novembre, le Centre interprofessionnel de simulation de la Faculté de médecine et de la Haute Ecole de santé de Genève proposera ses services à près de 2000 étudiants dès le mois de janvier

Il est 6h55. Noëlle vient d’accoucher d’une fille. Son bébé est posé sur son ventre. Lorsque la sage-femme entre dans la salle pour prendre le relais de sa collègue, elle s’aperçoit que la patiente a des saignements avec quelques petits caillots. Un coup d’œil à l’écran de monitoring affichant les signes vitaux lui indique qu’elle se trouve en hypotension. Les pulsations augmentent, les saignements se font plus abondants. Noëlle se plaint de sensations de nausée et de vertige. Comment la sage-femme va-t-elle réagir devant ce qui semble être une hémorragie post-partum?

Réalisme saisissant

Dès janvier, près de 2000 étudiants de la Faculté de médecine et de la Haute Ecole de santé de Genève (HEdS) pourront, sur la base de scénarios de ce type, se glisser dans la peau d’un professionnel de la santé et s’exercer à la pratique de soins dans un environnement technologique et pédagogique de pointe. C’est là l’objectif du Centre interprofessionnel de simulation (CIS) inauguré le 20 novembre dans des locaux flambant neufs.

Il est vrai que le réalisme est saisissant. Noëlle, un sémillant mannequin piloté par ordinateur, parle, crie, cligne des paupières, accouche, avec ou sans complications, à la demande. A ses côtés, Hal, son bébé, est capable d’accomplir des performances similaires. Depuis le centre de contrôle, placé derrière des vitres sans tain, les enseignants assurent le bon déroulement de la scène, tandis que, sur le plateau, des étudiants dans une chambre d’hôpital font face à Noëlle, parfois accompagnée d’un comédien en chair et en os, pour un surcroît de réalisme. Dans le temps qui leur est imparti, les étudiants ont une situation à gérer, un certain nombre de gestes à accomplir. Le tout sous l’œil de plusieurs caméras. Celles-ci fourniront le matériel du débriefing, élément clé de cet apprentissage par simulation où la fiction côtoie étrangement la réalité.

«En arrivant ici, les étudiants signent tacitement un contrat de fiction», explique Elisabeth Van Gessel, maître d’enseignement et de recherche à la Faculté de médecine et directrice du CIS. Lorsqu’ils viennent la première fois, ils ont tendance à rigoler un peu. Un mannequin, des acteurs, des plaies maquillées. Les accessoires sont factices. Mais au fur et à mesure du déroulement du scénario, ils se prennent au jeu. On fait donc de la simulation, mais on le fait sérieusement.»

L’utilisation de mannequins ou de patients standardisés (nom donné aux personnes jouant le rôle d’un patient) pour la formation du personnel soignant n’est pas nouvelle en soi. Elle est déjà pratique courante dans les secteurs de la médecine aiguë, en chirurgie, aux soins intensifs ou en obstétrique notamment (lire ci-contre). L’originalité du CIS est de rassembler ces techniques au sein d’un établissement unique, avec pour objectif d’atteindre l’ensemble des étudiants dès la formation de base et d’instaurer une dynamique interprofessionnelle.

Collaboration vitale

De ce point de vue, la collaboration entre la Faculté de médecine et la HEdS constitue un maillon essentiel du projet. Elle permet non seulement de mutualiser les coûts d’une telle installation (à elle seule Noëlle coûte la bagatelle de 150 000 francs), mais aussi de répondre à la réalité de la pratique médicale d’aujourd’hui. «Actuellement, plus aucun professionnel ne détient LA réponse au problème d’un patient», relève Elisabeth Van Gessel. En raison, d’une part, du vieillissement de la population, dont les problématiques sont de plus en plus complexes, et, d’autre part, de l’explosion des connaissances dans le domaine de la santé, prendre en charge un patient requiert la collaboration de plusieurs spécialistes. «Il est essentiel que l’ensemble des professionnels de la santé apprennent très tôt dans leur formation à communiquer à tous les échelons du processus de prise en charge des patients, en réalisant qu’ils appartiennent au même monde et qu’ils partagent les mêmes valeurs, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui», souligne Elisabeth Van Gessel.

Par le biais de la simulation, les futurs professionnels sont amenés à entraîner des gestes dans des situations extrêmement précises, en toute sécurité: faire face à une embolie pulmonaire, par exemple, effectuer un examen cardio-pulmonaire complet, savoir accueillir le patient, le rassurer. Les scénarios sont continuellement affinés. De nouvelles situations sont par ailleurs ajoutées par des cliniciens, sur la base de situations vécues, particulièrement problématiques.

La médecine de demain

Ce Centre de simulation, unique en Suisse romande, répond également au manque chronique de places de stage pour le personnel soignant. Dans un premier temps, l’offre s’adressera uniquement aux étudiants prégradués. Mais d’autres institutions, comme les Hôpitaux universitaires de Genève, pourraient rejoindre à terme le CIS pour leurs formations postgraduées et continues. Nous aimerions aussi toucher les ambulanciers ou encore les pharmaciens et faire évoluer, pourquoi pas, l’organisation des soins de demain vers plus de pratique collaborative», ajoute Elisabeth Van Gessel.


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