Journal n°83

Simuler permet de prévenir les erreurs

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Vice-directrice du Centre interprofessionnel de simulation (CIS), sage-femme et enseignante à la Haute Ecole de santé de Genève, Patricia Picchiottino et ses collègues ont développé un enseignement par simulation dont peuvent désormais bénéficier tous les étudiants des filières de la santé

Comment avez-vous été amenée à vous intéresser à la simulation?

Patricia Picchiottino: Des études effectuées en France et en Angleterre ont montré qu’une grande partie des cas de morbidités maternelle et périnatale sont dus à des défauts de communication entre membres des équipes interprofessionnelles ‒ sage-femme, pédiatre, obstétricien, par exemple ‒ et non en raison d’un manque de compétences individuelles. S’y ajoutent d’autres facteurs tels la méconnaissance des procédures ou des gestes inappropriés lors d’accouchements difficiles. Or on peut espérer réduire cette mortalité si l’on entraîne davantage les étudiants à gérer des situations concrètes.

De quel modèle vous êtes-vous inspirée pour mettre en place cette approche par simulation?

L’aviation civile a développé depuis longtemps des simulateurs qui permettent de travailler la communication en équipe, en situation de crise. Des critères ont été établis, tels que la capacité à se référer à un leader, à partager les données du problème et le diagnostic et à s’assurer que chaque membre connaît parfaitement son rôle. Ces concepts ont été transposés aux équipes médicales, d’abord au bloc opératoire, puis à toute la médecine d’urgence. Avec le CIS, nous allons introduire ces concepts dès la formation initiale.

Qu’est-ce que la simulation apporte à la formation?

Pour ce qu’on appelle une hémorragie de la délivrance, par exemple, il existe une succession de gestes qui doivent être effectués rapidement. Il ne suffit pas de les connaître. Il faut les avoir pratiqués jusqu’à ce qu’ils soient intériorisés. La simulation fournit par ailleurs un environnement idéal pour travailler la communication. La tension qui se dégage lorsque les scénarios sont joués est réelle. Mais les étudiants savent qu’ils s’exercent dans un cadre sécurisé où prévaut la confidentialité.

La simulation ne permet pas uniquement de répéter des gestes techniques, elle sert aussi à améliorer le contact avec les patients. Comment?

Nous utilisons des grilles d’observation qui fixent des critères à atteindre. Nous devons enseigner les techniques de communication indépendamment de la personnalité de chacun. Bien communiquer ne signifie pas être capable de parler avec sa patiente comme s’il s’agissait d’une amie. Il doit y avoir une intention qui guide la sage-femme à chaque étape. Les étudiants apprennent également à gérer la dimension émotionnelle. Le message doit être adapté à chaque patiente. Il faut veiller aux mots qu’on utilise, éviter d’être dans le jugement et partir d’une évaluation correcte de la situation.

C’est-à-dire?

C’est ce que nous appelons le raisonnement clinique. Il s’agit de collecter le maximum d’informations pertinentes, de vérifier les hypothèses établies sur la base de l’anamnèse et de l’examen clinique, et de poser le diagnostic qui va sous-tendre chaque action. La simulation permet de travailler efficacement chaque étape de ce processus.

Peut-on pour autant éliminer l’erreur liée au facteur humain?

Non, comme l’a montré un rapport américain évaluant le système de santé datant de 2000 et intitulé «L’erreur est humaine». Elle est inhérente à notre nature. En revanche, il revient aux institutions de mettre en place des garde-fous afin de limiter toujours plus le nombre de cas où ces erreurs mènent à des conséquences graves. C’est l’une de nos intentions avec la mise en place du Centre de simulation.

Avec le recul, pouvez-vous mesurer l’impact de l’enseignement par simulation sur le niveau de formation du personnel soignant?

Nous manquons d’indicateurs pour nous livrer à des analyses précises. Mais dans les pays qui ont mis en place ce type d’enseignement avant nous, en Angleterre par exemple, une amélioration des résultats cliniques a été observée. On peut aussi affirmer sans hésitation que cette pratique augmente la satisfaction des étudiants, leur sentiment d’être efficaces et mieux préparés.


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