Journal n°152

Surveiller et guérir

image-2.jpgParasites redoutablement efficaces du vivant animal et végétal, les virus mutent très rapidement pour créer des maladies virales émergentes, comme Ébola, Zika, Chikungunya ou le SRAS pour n’en citer que quelques-unes. Au gré des mutations, des virus apparemment anodins peuvent en effet acquérir une plus forte pathogénicité ou encore passer la barrière interespèces, comme lors de la flambée de grippe aviaire A-H5N1 en 2004.

L’ennemi changeant de visage à tout instant, il est donc indispensable de le surveiller en permanence pour contrer au mieux ses assauts. Les chercheurs du Laboratoire de virologie du Département de médecine interne des spécialités (Faculté de médecine) sont en première ligne, puisque le groupe du professeur Laurent Kaiser fonctionne en tant que Centre national de référence pour l’influenza (CNRI) et le SRAS, en collaboration avec l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces activités consistent notamment en l’élaboration du vaccin contre la grippe, pour lequel les scientifiques passent au crible les différentes souches candidates à la prochaine épidémie saisonnière.

Le Laboratoire de virologie travaille également en tant que Centre national de référence pour les infections virales émergentes (CRIVE). La récente épidémie d’Ébola en Afrique de l’Ouest a démontré son haut niveau d’expertise. Les compétences de ce centre et de l’équipe de vaccinologie dirigée par la professeure Claire-Anne Siegrist ont fait de Genève le premier centre désigné par l’OMS pour tester le vaccin le plus prometteur contre Ébola. De plus, les HUG ont été parmi les rares hôpitaux européens à traiter avec succès un patient infecté par ce pathogène. Travailler avec des agents aussi agressifs nécessite des équipements particuliers: on trouve donc aux HUG le seul laboratoire de  diagnostic de haute sécurité (P4D) au sein d’un hôpital suisse. Mais le travail ne se limite pas aux analyses de laboratoire. «Lors de l’épidémie d’Ébola de 2014 et celle en cours au Congo, des médecins des HUG se sont rendus sur place, explique Laurent Kaiser. Vivre la réalité de cette maladie sur le terrain est très formateur.»

Nous avons créé des leurres à virus en greffant des récepteurs viraux sur des nanoparticules d’or

Si le taux de létalité d’Ébola dépasse les 50%, il est d’autres virus, d’allure moins redoutable, qui font de gros ravages de par l’efficacité de leurs mécanismes de transmission. C’est le cas des rhinovirus, généralement bénins mais à même d’occasionner de graves complications respiratoires, particulièrement chez les personnes âgées et les jeunes enfants.

Ces agents infectieux, eux aussi susceptibles de muter fréquemment, sont la spécialité du groupe de recherche de Caroline Tapparel Vu, professeure au Département de microbiologie et médecine moléculaire. «La variabilité de ces virus rend leur traitement complexe, explique la chercheuse. C’est pourquoi nous travaillons à développer des antiviraux à large spectre. Dans le cadre d’une collaboration avec Laurent Kaiser et l’EPFL, nous avons créé des leurres à virus en greffant des récepteurs viraux sur des nanoparticules d’or. Le mécanisme est particulièrement intéressant, car la liaison entre le virus et le récepteur n’est pas réversible: une fois attrapé, le virus meurt.» Le concept validé, les chercheurs ont poursuivi leur travail sur des molécules de sucre dans le but de minimiser les effets secondaires d’un traitement.

À noter que pour ses recherches, Caroline Tapparel Vu travaille essentiellement sur des modèles humains, recréés à partir de biopsies, les modèles animaux n’étant pas directement comparables. Cette approche a reçu en juin 2018 le Prix 3R récompensant une chercheuse ou un chercheur genevois ayant contribué de manière significative au développement de méthodes alternatives à l’expérimentation animale.  —