20 mai 2021 - AD

 

Vu dans les médias

Quand l’armée cherche à se «mettre au vert»

 

 

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Patrick Naef


Jusqu’ici, la conduite de la guerre et la préservation de l’environnement ont rarement fait bon ménage. Mais les choses seraient-elles en train de changer? C’est ce que laissent supposer certains signes comme la création par le Pentagone états-unien d’un groupe de travail sur le climat, la publication par le Ministère britannique de la défense d’une «approche stratégique du changement climatique et de la durabilité» ou encore le fait qu’en Suisse, le message sur l’armée 2021 ait pris pour la première fois en compte les objectifs climatiques du Conseil fédéral. Collaborateur scientifique au Département de géographie et environnement, Patrick Naef n’est toutefois pas totalement convaincu, comme il s’en expliquait le 10 mai dernier dans l’émission Tout un monde de la RTS. 

L’exercice de la guerre est en soi une catastrophe écologique. Aux tonnes de kérosène nécessaires aux déplacements des avions de combat, des blindés et des troupes, s’ajoutent les tombereaux de munitions déversées sur le camp adverse. Sans oublier que, comme le rappelle Patrick Naef, la destruction de celui-ci fait parfois figure d’objectif stratégique comme ce fut le cas au Vietnam avec l’usage massif d’agent orange par les troupes états-uniennes. De manière indirecte, le financement d’un conflit peut également avoir des conséquences très néfastes pour l’environnement. «En Colombie, la production de cocaïne est la première cause de déforestation dans le pays, sans parler des engrais et des substances chimiques dont l’utilisation n’est pas contrôlée, poursuit le chercheur. La destruction des plantations de coca est également problématique, puisqu’elle se fait par largage aérien d’herbicides très puissants.»

Les dégâts se prolongent par ailleurs parfois bien au-delà du conflit. «Le pays perdant se trouve souvent dans une situation de crise, explique le scientifique. Pour les civil-es, la priorité est alors de survivre, ce qui relègue la nature au second plan. Et le regroupement de populations déplacées dans des zones sans égouts, ni triage de déchets peut, lui aussi, avoir des effets sur des décennies.»

À l’inverse, il arrive qu’une guerre contribue à préserver certains territoires de manière involontaire. Et Patrick Naef de citer l’exemple du conflit en ex-Yougoslavie, durant lequel certaines forêts de Bosnie étaient infestées de mines antipersonnel qui y interdisaient toute présence humaine et donc toute dégradation supplémentaire. On pourrait dire la même chose de la zone frontalière qui sépare les deux Corées, où on trouve une faune et une flore intéressantes. 

Le bilan n’est pas non plus reluisant en temps de paix, puisque, à elles seules, les 800 bases de l’armée américaine réparties dans le monde répandent plus de CO2 que 140 pays réunis.  D’où la volonté exprimée aujourd’hui par certains États de rendre leurs forces militaires plus vertes. En Suisse, où l’armée reste le plus grand propriétaire immobilier du pays, des mesures ont été engagées en vue d’une transition vers l’énergie solaire, de l’assainissement des bâtiments et de la modernisation du parc de véhicules. 

Des réformes certes bienvenues, mais qui restent insuffisantes aux yeux de Patrick Naef: «J’ai du mal à croire à un conflit propre. Pour que les activités militaires aient moins d’impact sur l’environnement, il faudrait couper le mal à la racine en supprimant tout simplement les armées.»

 

 

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