Une initiative pionnière en Suisse
Le concept de Law Clinic a été développé en Amérique du Nord dans le courant du XXe siècle. L’idée consiste à confronter les étudiant-es en droit à des situations concrètes et réelles tout en mettant leurs compétences au service de l’intérêt général et en développant une réflexion critique sur le droit. La Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables de l’UNIGE a été cofondée en 2013 par Maya Hertig Randall, Djemila Carron et Olivia Le Fort. Elle accueille chaque année une quinzaine d’étudiant-es de niveau master sélectionné-es sur dossier.
«Victimes de notre succès, nous devons malheureusement à chaque fois refuser du monde, relève Maya Hertig Randall. Le processus de sélection tient compte des résultats académiques et de l’engagement associatif, avec une attention particulière portée aux personnes concernées par la thématique et aux parcours atypiques. Les capacités juridiques sont un critère important, car le travail de la Law Clinic est exigeant.» Les participant-es sont en effet amené-es à effectuer des recherches juridiques sur des questions précises, dans des domaines souvent assez peu documentés. Parallèlement, ils et elles mènent des enquêtes de terrain auprès des populations ciblées. «Nous essayons d'apporter des solutions juridiques à des problèmes réels, précise Vista Eskandari, responsable de la Law Clinic. Notre philosophie est de partir des besoins des personnes concernées.»
Analyse critique du droit
Outre l’aspect académique, ce travail permet de mieux faire connaître les droits des personnes vulnérables, à travers la publication de brochures, de fiches thématiques, d’articles de journaux ou publiés sur des plateformes en ligne ainsi que par l’organisation de conférences publiques. «Avec l’expérience, nous avons compris que, outre les difficultés liées à leur mise à jour, la publication de brochures – nos premières réalisations – n’était pas toujours adaptée aux besoins, ajoute la responsable. Dans le cas des mineur-es non accompagné-es par exemple, le régime juridique du droit d’asile et du droit des étrangers est très restrictif. On n’a en effet pas droit à grand-chose quand on est sans papiers… C’est pourquoi nous avons choisi la voie des articles de presse, sous l’angle d’une analyse critique du droit à l’aune des droits humains. Les conférences des étudiant-es sur leurs résultats de recherche participent également beaucoup à la diffusion des informations juridiques.»
Bien que des partenariats solides aient pu être établis avec les milieux associatifs, la réception des travaux de la Law Clinic dans la cité a parfois aussi suscité interrogations et blocages. La brochure sur le droit des personnes roms en situation précaire a par exemple fait l’objet, en 2014, d’une question écrite urgente déposée par un député au Grand Conseil genevois. En 2016, l’Office cantonal de la détention refusait, quant à lui, la diffusion de la brochure destinée aux personnes en détention à Champ-Dollon. «Une autre conséquence inattendue a été, d'après certains témoignages, une augmentation des violences policières à l’égard des personnes roms en situation précaire parce que celles-ci commençaient à revendiquer leurs droits», regrette Vista Eskandari.
Si l’impact des travaux de la Law Clinic pour les personnes concernées reste difficile à mesurer, il est important de souligner la visibilité qu’ils ont permis de donner aux thématiques dont le programme s’est emparé. «Les associations se servent de nos travaux, frappés du sceau de la légitimité académique, comme d’un instrument politique, se réjouit Vista Eskandari. Mais nous devons rester humbles: ce qui peut être réalisé en deux ans au sein d’un cursus académique est peu par rapport aux situations d’oppression structurelles en place depuis longtemps. Ce qui est essentiel, c’est que l’Université se saisisse de ces thématiques.»
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