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1934-03-19, Denis de Rougemont à Henry Corbin

Cher vieux,

Ton silence devient catastrophique. D’autre part, mon silence vis-à-vis de Stella est coupable, et je m’en excuse vivement. J’aurais dû lui répondre d’autant plus vite que c’est très simple : si le chèque que Lauga lui a remis est à son nom, elle peut le toucher sur simple présentation d’une pièce d’identité (ou même pas) à la banque. Le fisc n’a rien à voir dans des opérations de ce genre. Le seul ennui serait si le chèque était au nom de Hic et Nunc. Dans ce cas, il faut que Lauga le touche, comme auparavant, puisque le numéro de compte de chèques est le sien. Mais si le chèque est endossé par Stella, tout va bien.

Maintenant ton article. Tu sais que je l’attends depuis novembre 1933 ; que pour toi nous avons reculé ce numéro « cosmique », et fait un autre numéro, un peu improvisé, pour [p. 2] que tu aies le temps de faire un article. Mais voilà que l’extrême limite est atteinte : si je ne reçois pas ton article avant 3 jours, le numéro 6 ne pourra pas paraître pour la semaine Barth, et nous perdrons une occasion unique de faire une série d’abonnés pour la seconde série. Il y a un intérêt matériel énorme à ce que le 6 paraisse entre le 7 et le 15 avril. Schmidt et moi avons écrit nos articles en novembre-décembre, tout est prêt, il ne manque que tes 5 ou 6 pages. Dois-je les remplacer par des textes traduits ou cités, ou bien peux-tu me l’envoyer d’ici jeudi au plus tard ? Je te supplie à deux genoux de me répondre par retour du courrier. Songe que voici deux numéros retardés en ton honneur, et que nous avons tous fait pas mal de sacrifices, jusqu’ici, pour arriver à pondre nos articles de H & N. en dehors de notre travail ordinaire.

Excuse cette lettre comminatoire, et surtout réponds-y ! On se réjouit beaucoup de vous revoir bientôt.

Amitiés.
Denis