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La guerre aux drogues : de la rue aux manifestations sportives

11 mai 2016



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La guerre aux drogues : de la rue aux manifestations sportives

Dans le cadre du cycle de conférences « les drogues dans tous leurs états », Bengt Kayser, professeur à l'Université de Lausanne à l’Institut des sciences du sport, est l’invité de cette 7ème conférence qui aborde la différence et la similarité entre la guerre anti-drogue et la guerre anti-dopage.

C’est au début des années 2000 qu’il commence à s’intéresser au lien entre la guerre anti-drogue et la guerre anti-dopage, lorsqu’il entend parler pour la première fois de l’obligation pour les athlètes, à présent, de justifier et de déclarer constamment leurs présences et leurs déplacements quotidiens à une autorité compétente. Cette nouvelle règle l’amène à se questionner sur le sens de cette méthode. Il se demande alors pourquoi la société décide de faire une exception répressive pour une partie des travailleurs, étant donné que le sport est une profession. Au fil des années, il constate une intensification de la surveillance et de la répression envers les athlètes.

L’une des problématiques centrales de cette guerre anti-dopage est la déconstruction du mythe sport. Il fait alors un premier lien avec la guerre anti-drogue en observant que les arguments pour lutter contre le dopage et les drogues sont souvent similaires. Depuis plusieurs années, les drames et les événements qui ont généré des mobilisations médiatiques importantes ont souvent été utilisés dans la guerre contre les drogues. L’événement médiatique va générer une panique morale, créant ensuite un mythe qui perdure dans le temps à travers les discours populaires mais aussi les discours scientifiques et académiques. Ceci crée une vérité populaire et connue qui permet ensuite d’alimenter une croisade morale, et qui s’accompagne généralement d’une réponse exagérée au problème initial, qui va au delà de ce qui serait approprié. Selon Bengt Kayser, le même phénomène est aussi observé dans le monde du sport aujourd’hui. Afin d’éviter les réactions instantanées et excessives, le professeur estime qu’il est nécessaire de mettre en perspective les drames liés à la drogue ou au dopage en les observant d’une manière plus quantitative.

Les industries de la guerre anti dopage et de la guerre anti-drogue sont très présentes dans cette croisade morale. Elles existent et fonctionnent grâce aux scandales liés aux produits. Les drogues et les produits dopants sont souvent décrétés comme la cause d’un accident ou d’un décès que ce soit dans le milieu du sport ou autre. Bengt Kayser, au contraire, insiste sur le fait qu’il y a plusieurs facteurs à prendre en compte lors d’un drame et que la drogue ou le produit dopant n’est pas le seul facteur responsable.

Pour conclure, il met en avant le fait qu’il existe des mythes qui permettent d’alimenter les paroles et les efforts de ce qu’on peut appeler guerre anti-drogue et anti-dopage. Il amène trois propositions qui permettraient de démythifier le dopage et de le contrôler afin d’éviter les drames. Premièrement, iI propose de démythifier le sport et de reconnaître que le dopage est beaucoup moins dangereux que ce qui est véhiculé. Deuxièmement, d’accepter que l’amélioration de la performance correspond à l’esprit du sport et que le dopage en fait partie, en gardant l’idée que la santé de l’athlète est au centre. Et troisièmement, il propose une politique pragmatique ancrée dans une évidence scientifique qui pourrait réellement observer et suivre ce qu’il se passe.

Le premier discutant, Jean-Luc Veuthey, professeur à la faculté des sciences, section sciences pharmaceutiques de l’Université de Genève, rebondit sur la politique anti-dopage. Selon lui, il faut une culture scientifique et cesser avec les mythes qui vont beaucoup trop loin, afin de mettre en place une politique anti-dopage qui fonctionne et non uniquement une politique répressive. Cela suppose notamment de différencier l’accident et la drogue et de ne pas forcément faire un lien direct avec le produit consommé. Pour lui on a toujours une guerre de retard et la lutte contre le dopage passe avant tout par l’éducation et la prévention.

Le deuxième discutant, Raffaele Poli, qui travaille pour le centre international d’étude du sport à l’Institut de géographie de l’Université de Neuchâtel,  avance qu’il faut déconstruire le mythe du dopage dans le sport. Il ouvre le débat sur le mythe du sport, car les changements de paradigmes sont très liés à ce que représente le sport aujourd’hui et à ce qu’il a représenté dans le passé. Le sport est aujourd’hui perçu comme un modèle de société et cela doit être considéré. Selon lui, aujourd’hui on ne lutte pas contre le dopage, on lutte contre le danger que le dopage représente pour la préservation du mythe du sport.

Jusqu’à présent et lors des six dernières conférences, la thématique de l’impact de la drogue sur le corps humain a régulièrement été abordée. La peur sociétale de la destruction de corps suite à la consommation de drogue est souvent l’argument fort des guerres anti-drogue. Dans la guerre anti-dopage on parle du mythe du sport mais qu’en est-il du mythe du corps humain dans la guerre anti-drogue ?

Par Alizée Lenggenhager (étudiante du Master en sociologie, Unige)

 



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