Journal n°160

Une porte d’entrée à la réflexion pédagogique

 

image-2.jpgLa mise en œuvre de cours en live streaming à l’UNIGE (lire ci-contre) fait l’objet d’une évaluation scientifique. Mandatée pour établir un rapport d’expertise, Claire Peltier, chercheuse associée à Tecfa (Technologies de formation et apprentissage, FPSE) et adjointe scientifique à la cellule MOOC, livrera ses conclusions et recommandations en septembre prochain.

«Chaque nouvelle technologie est d’emblée dotée par certains techno-enthousiastes d’une capacité à révolutionner l’enseignement, prévient la chercheuse. Les plateformes d’enseignement à distance (Dokeos, Moodle, Chamilo…), apparues dans les universités au début des années 2000, se sont largement répandues. Beaucoup pensaient alors qu’elles allaient changer la manière d’enseigner et d’apprendre.»
Deux décennies plus tard, la plupart des enseignants se contentent toujours de déposer des contenus que les étudiants vont chercher. Pourtant, ces plateformes offrent quantité d’activités: forums, groupes de travail, quiz, wiki… «Les technologies renferment un certain nombre de potentiels pour autant que les enseignants s’en emparent et en scénarisent l’usage, constate Claire Peltier. En effet, il ne suffit pas de mettre un forum à disposition pour que les étudiants s’en servent.»

Pour inciter les enseignants à modifier en profondeur leurs pratiques, les politiques institutionnelles devraient mieux valoriser l’enseignement

Si l’outil n’a pas vraiment fait évoluer les pratiques pédagogiques, il offre en revanche des possibilités qui sont susceptibles de questionner les pratiques d’enseignement et d’apprentissage. «Les innovateurs sont généralement des enseignants expérimentés qui souhaitent redynamiser leur cours, observe Claire Peltier. Le fait d’intégrer une technologie éducative dans son dispositif d’enseignement amène à réfléchir à sa pratique pédagogique. Les améliorations constatées peuvent être très fines, comme d’augmenter la participation des étudiants. La clé, c’est de réfléchir à ce qu’on est en train de faire, à ses objectifs et à ce qu’on a envie d’améliorer. En cela, les technologies sont un véritable levier réflexif.»

Selon l’experte, pour inciter les enseignants à modifier en profondeur leurs pratiques, les politiques institutionnelles devraient mieux valoriser l’enseignement. Les universités devraient ainsi porter une plus grande attention à cette dimension, notamment en tant que critère de promotion des carrières. Il existe d’ailleurs déjà plusieurs initiatives allant dans ce sens à l’UNIGE, en particulier le prix de l’innovation ou les MOOCs. La chercheuse souligne aussi l’importance d’être accompagné sur le plan individuel, les nouvelles technologies pouvant générer de l’inconfort ou de l’anxiété.

Du côté des étudiants, si la satisfaction est au rendez-vous dans les cours, l’impact des nouvelles technologies sur l’apprentissage n’est pas clairement démontré. «Les études sur le sujet sont généralement menées dans des conditions expérimentales et non pas sur le terrain, précise Claire Peltier. L’apprentissage y est réduit à un nombre limité de variables, souvent en lien avec la capacité de mémoriser et de restituer des connaissances. Or apprendre est un processus bien plus complexe impliquant des dimensions affectives ou relationnelles par exemple. Dans cette perspective, les nouvelles technologies peuvent modifier l’expérience d’apprentissage ou permettre la métaréflexion, une dimension capitale de l’apprentissage.»  —