Journal n°164 du 10 au 24 octobre 2019

Une cartographie inédite détaille le profil méconnu des ONG genevoises

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On savait la présence des organisations non gouvernementales (ONG) importante à Genève mais cette composante de la société civile internationale n’avait été que peu étudiée. Cette lacune est désormais en partie comblée grâce à l’étude menée par des chercheurs du Global Studies Institute (GSI) et publiée en août dernier, Cartographie des ONG au sein de la Genève internationale. Ce travail a permis de répertorier et d’analyser 759 ONG actives sur le territoire genevois et qui emploient 3146 personnes. Le plupart d’entre elles (71,1%) possèdent leur siège dans le canton.
Cette étude débute il y a quelques années, lorsque les organisateurs d’un cycle de conférences traitant des enjeux politiques de la Genève internationale se sont rendus compte du caractère lacunaire des connaissances en matière d’ONG, surtout en comparaison avec ce que l’on sait des organisations intergouvernementales (OI). Personne ne savait même combien il y en avait.

Constellation d’ONG

Ce constat a débouché sur un projet de recherche au GSI qui a reçu le soutien financier de la Ville et du canton de Genève ainsi que du Département fédéral des affaires étrangères.
Selon les résultats de l’étude, la constellation des ONG genevoises se divise en trois groupes distincts mais complémentaires. Le premier comprend les «ONG onusiennes» (170), celles qui sont attirées par la présence des nombreuses OI à Genève, et les «poids lourds» (42), dont font partie des noms aussi prestigieux que Médecins sans frontières, Amnesty International, Human Rights Watch, etc. Elles contribuent toutes à l’élaboration d’une gouvernance globale.
Le deuxième est celui des ONG locales (190), qui est le reflet de la rencontre entre la demande très ancrée au sein de la population genevoise de s’investir dans la solidarité internationale et l’offre variée et abondante de financement de projets proposée par ses institutions communales et cantonales.

Associations d’élèves

Ces ONG sont souvent animées par des personnes sensibilisées après un voyage à l’étranger, par des populations migrantes mobilisées pour mener des projets dans leur pays d’origine ou par des associations d’élèves du secondaire investis dans la réalisation de projets dans divers pays.
Finalement, on distingue les ONG les plus jeunes (357) qui sont installées à Genève depuis moins de vingt ans (dont une centaine depuis moins de 7 ans) et qui témoignent de l’attractivité de Genève en tant que lieu privilégié pour faire vivre la société civile internationale.
En réalité, il existe à Genève plus d’ONG que celles recensées par l’étude. Ces organisations ne sont en effet pas obligées de se déclarer. De plus, certaines ne sont que de passage tandis que d’autres dépendent de financement exclusivement privés. Autant de particularités qui les font passer sous les radars des chercheurs. Une autre catégorie n’a pas été prise en compte par les chercheurs: celle des ONG servant les intérêts de tel ou tel gouvernement (les GONGO, contraction de Governement NGO) et qui sont difficiles à identifier.
Quoiqu’il en soit, le pôle d’activité le plus important des 759 ONG de l’étude est celui de la défense des droits humains, de la paix et de la justice (voire infographie ci-dessus). En d’autres termes, parmi les 17 objectifs du développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 des Nations unies, ce sont ceux de «réduction des inégalités» et de «justice et paix» que les ONG se sont le plus souvent attribués. La question de l’accès à la santé est, quant à elle, la plus transversale puisqu’elle apparaît de manière également importante dans les trois groupes décrits plus haut. Cela s’explique surtout par la présence à Genève de l’Organisation mondiale de la santé.
Curieusement, le pôle environnemental est le moins bien représenté, malgré la place médiatique énorme prise ces dernières années par le réchauffement climatique. Selon les chercheurs, le fait que le siège du secrétariat du Fonds vert pour l’environnement ait échappé à Genève peut avoir joué un rôle. Par ailleurs, la ville du bout du lac n’a pas une longue tradition dans ce domaine alors que dans celui des droits de l’homme ou de la paix, elle est active depuis plus de 150 ans.
Le rapport se termine par des recommandations dont celle consistant à établir une stratégie spécifiquement dédiée aux ONG. Et ce afin de mieux répondre à leurs besoins et de continuer à développer l’attractivité et la compétitivité de la Genève internationale. —

«Cartographie des ONG au sein de la Genève internationale», par Stephan Davidshofer, Pablo Diaz,
Justine Hirschy, Dalya Mitri et Amal Tawfik, GSI, août 2019.