Journal n°165 du 24 oct. au 7 nov. 2019

Au-delà du principe de pleine concurrence

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Louis Ballivet
assistant au Département  de droit public,
Faculté de droit

Sujet de thèse:
«Beyond the Arm’s Length Principle»

 

 

 

 Quand avez-vous commencé votre thèse?
J’ai été embauché par le Département de droit public (Faculté de droit) en octobre 2016. À ce moment, je n’avais qu’une très vague idée de mon sujet de thèse. Il m’a fallu presque une année pour que mon projet arrive à maturation et que mon inscription soit validée.

Quel est le sujet de votre travail?
Je me suis intéressé au principe cardinal de la fiscalité des multinationales qui se nomme Arm’s Length Principle, littéralement le principe de la longueur du bras. En français, on l’appelle le principe de pleine concurrence qui, paradoxalement, n’a rien à voir avec le droit de la concurrence. Il signifie en effet que les différentes sociétés qui constituent un groupe multinational doivent agir comme des entités distinctes, comme si elles étaient en concurrence. Autrement dit, chaque État au sein duquel l’activité commerciale d’une multinationale se déploie impose uniquement l’entité qui se trouve sur son territoire, sans considérer le groupe dans sa globalité. L’Arm’s Length Principle est né dans les années 1920, sous l’égide de la Société des Nations. À cette époque, les multinationales étaient rares, la propriété intellectuelle n’avait pas de grande valeur et Internet n’existait pas. Aujourd’hui, à l’heure de l’économie digitale, le monde a beaucoup changé, mais le principe de pleine concurrence demeure. Pourtant, en réalité, une multinationale agit comme une entité unique qui possède une seule direction générale, une seule organisation, une seule stratégie. C’est en lisant à répétition des gros titres comme «Apple, champion de l’évasion fiscale» que m’est venue l’idée de ce doctorat. J’ai décidé de me pencher sur deux questions: quelles sont les failles de la fiscalité des multinationales et existe-t-il des solutions pour l’avenir?

Quel est l’objectif de votre thèse?
L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) maintient le paradigme du principe de pleine concurrence, qui aura 100 ans l’année prochaine. Dans ma thèse, je tente de montrer que ce principe est très difficilement applicable aux économies modernes et je défends un changement de paradigme qui permettrait de traiter une multinationale comme une entité fiscale à part entière et non comme la somme des filiales qui la composent. Je considère que l’Arm’s Length Principle est devenu obsolète tout comme la référence au tir à l’arc dans son étymologie.