Séminaires

Postdigital 2019-2020 : Fictions de l'artificiel

Séminaire organisé par la Prof. Béatrice Joyeux-Prunel, Chaire des Humanités numériques, UNIGE. Dans le cadre d'un partenariat avec le Centre d'Excellence européen Jean Monnet IMAGO, Ecole normale supérieure de Paris.

  Avec le soutien du programme Erasmus+ de l'Union européenne.

Le jeudi de 10h à 12h en salle Phil211 (bâtiment Philosophes : 22 bd des Philosophes, Genève).

Séances ouvertes à tou.te.s.

Que font les cultures numériques à nos manières de sentir, de goûter, d'aimer et de détester - que font-elle à notre imaginaire, et quelle est réciproquement la part de l'imaginaire dans notre rapport au numérique ? Ce séminaire est le transfert à l'UNIGE d'un cycle de séminaires organisé depuis 2016 à l’École normale supérieure de Paris, « Postdigital » (www.postdigital.ens.fr).

Après une année sur nos rapports au temps, une sur l'imagination artificielle, et une sur l'anthropocène, cette année est consacrée au rôle de la fiction dans nos manières d'aborder l'intelligence artificielle (AI). Pourquoi parle-t-on le plus souvent de l'AI pour prétendre ouvrir la « boîte noire » ? Pourquoi les AI sont-elles si souvent des femmes ? Quelle est leur rôle dans les fictions ? Comment ces fictions nourrissent-elles le débat contemporain sur les machines ? Pourquoi l'AI soulève-t-elle tant de passions et tant de mythes ? Réciproquement, que peut-on dire et faire des fictions de l'intelligence artificielle - poèmes automatiques, oeuvres par ordinateur, musiques algorithmiques : faut-il des nouveaux outils pour les aborder en sciences humaines ? Ce séminaire est ouvert à tout-e-s. La validation se fait par un commentaire d'oeuvre, selon les goûts et la discipline de l'étudiant-e.

20 février 2020, Introduction. Fictions de l'artificiel. Une lecture historique du problème (Béatrice Joyeux-Prunel, UniGe).

Lorsque Les Immatériaux, la fameuse exposition organisée par le philosophe Jean-François Lyotard, fut annoncée au Centre Georges Pompidou, au printemps 1985, son communiqué de presse plaçait l'exposition sous le signe du changement :

"On dirait que les changements, comme toujours, nous viennent du dehors. Par les conditions de travail, par le milieu de la vie quotidienne, par les moyens d’information. Quelle différence, dit-on, avec la vie de nos pères ! Mais c’est dans nos têtes que ça change : façons de sentir, de regarder, d’entendre, le langage, l’intimité du corps, etc."

L'exposition faisait sentir ces changements en particulier dans les arts - théâtre, arts visuels, sonores, littérature automatisée... Trente-cinq ans plus tard, l'impression est d'être encore dans une situation où tout change. Mais alors que Lyotard illustrait avec les Immatériaux ce qu'il appelait la "condition postmoderne" de l'humanité, tout ce qui d'après lui caractérisait la modernité semble de retour. Grands récits, futurismes, manifestes, espoirs que tout va s'améliorer : c'est justement la technique qui justifie ce retour, tandis que Lyotard en faisait le facteur premier de notre désaffection pour toutes les espérances.

Par un retour sur l'histoire des avant-gardismes et du rapport des artistes à la technique, cette introduction pose quelques hypothèses pour interpréter ce qui se trame aujourd'hui, et justifier l'intérêt d'aborder les cultures numériques par le biais des fictions qui les nourrissent.

Références :

 

27 février 2020. Anthony Masure (HEAD, Genève). Le design à l’époque des boîtes noires du deep learning

Bien que le concept d’« intelligence artificielle » (IA) soit déjà ancien, sa présence – dans la tendance dominante du deep learning – ne cesse de s’intensifier, que ce soit dans la presse, la pop culture, ou les objets du quotidien. Des approches critiques se développent, par exemple face aux dérives sécuritaires de ces technologies, ou face à la précarisation des « tâcherons du clic » invisibilisés par ces promesses d'innovation. Ces « boîtes noires technologiques » font courir le risque que le design ne devienne rien d'autre qu’une conception automatisée d’objets et de services, voire un formatage des expériences humaines. Comment ces questions sont-elles abordées par les designers ? Que peut faire le design « avec » les intelligences artificielles ?  

Anthony Masure est responsable de la recherche de la Haute École d’Art & Design de Genève (HEAD – Genève). Agrégé d’arts appliqués et ancien élève du département design de l’ENS Paris-Saclay, il est membre associé du laboratoire LLA-CRÉATIS de l’université Toulouse – Jean Jaurès. Ses recherches portent sur les implications sociales, politiques et esthétiques des technologies numériques. Il a cofondé les revues de recherche Réel-Virtuel et Back Office. Il est l’auteur de l’essai Design et humanités numériques (éd. B42, 2017). Site Web : http://www.anthonymasure.com

Références :

 

5 mars 2020. Léa Saint-Raymond (ENS, Paris). Fictions artificielles : une approche sociologique. Un univers symbolique proprement masculin ?

Cette intervention cherchera à analyser les fictions artificielles en faisant lasociologie de ses acteurs. S'aventurant de l'autre côté du miroir, il s'agira de comprendre la structure d'un nouveau "champ", celui des créateurs et des publics de ces récits, et les raisons pour lesquelles la stratification socio-professionnelle joue un rôle beaucoup moins déterminant que les oppositions de genre. 

Références :

 

12 mars 2020. Le sexe de l'IA. Béatrice Joyeux-Prunel (UNIGE)

Cette communication prolonge la précédente, pour s'intéresser aux manières dont l'intelligence artificielle est incarnée - mise en images, en sons et en histoire - par notre époque. Elle part d’un constat : les AI sont très souvent représentées comme des femmes. Qu'il s'agisse des images qui illustrent, des sons que produisent la plupart des AI avec lesquelles nous pouvons dialoguer, des noms qui leur sont donnés, ou des formes par lesquelles sont "incarnés" les robots qui s'occupent de nous., - le plus souvent le genre est féminin. Cette fictionnalisation féminine de l'IA recouvre bien des mythes et des fantasmes sexuels que cette communication se propose de mettre à jour, à partir d'exemples tirés du cinéma, d'internet et du roman, et qu'il s'agirait d'éclairer par une approche sociohistorique.

 

19 mars 2020. Technique et imaginaire (études de textes)

Cette séance est consacrée à la discussion des textes suivants :

  • Jacques Ellul, « La technique considérée en tant que système », Les Études philosophiques No. 2, LA TECHNIQUE (AVRIL-JUIN 1976), pp. 147-166. 20 pages accessibles sur le site de la bibliothèque par Jstor : https://www.jstor.org/stable/20846820
  • Gilbert Simondon, Du Mode d'existence des objets techniques, Paris, Aubier, 1958- réed 2012;introduction.

26 mars 2020. Grégory Chatonsky (artiste). Black/White & Box/Cube

Grégory Chatonsky, artiste franco-canadien, travaille entre Paris et Montréal. Considéré comme l'un des pionniers du net art, il s'intéresse à la question des flux, à l'imagination artificielle (notamment par la fiction générative), et aux liens entre existence et réseaux. Son travail croise simultanément la question de l'extinction, celle de notre rapport aux machines et à ce que nous imaginons qu'elles imaginent, et celle de l'hyperproduction contemporaine.
Site personnel : http://chatonsky.net/

Sur wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gr%C3%A9gory_Chatonsky

Les sciences humaines semblent aborder l’intelligence artificielle en critiquant l’opacité de sa boîte noire et les biais de ses résultats. La solution, permettant de reprendre la main politique sur les impensés de l’automatisation, consisterait en une plus grande lisibilité, explicabilité et réflexivité de sa causalité, trois activités dont s’autorisent justement les recherches académiques.  En déconstruisant les arguments utilisés pour réformer la boîte noire et les biais des réseaux de neurones artificiels, on verra que non seulement ceux-ci présupposent une conception instrumentale et anthropologique de la technique mais qu’ils ont aussi leurs impensés car ils portent sur la propre position de celui qui critique plutôt que sur l’objet visé.On se demandera s’il est même possible de sortir de la boîte noire, c’est-à-dire de réduire toute opacité? On s’interrogera aussi sur la possibilité d’une absence de biais dans une causalité construite. Ces questions seront abordées en tissant un lien, à distance, entre les photo-géométries de la caverne platonicienne, de la Black Box de l'IA et du White Cube de la galerie qui furent critiquées au nom d’une sortie en dehors d’un espace confiné.Cette émancipation qui promet de se libérer d’une limite spatiale et mentale permet de distinguer les pratiques artistiques actuelles selon deux stratégies : un art critique qui fait émerger une position extérieure d’autorité et un art profond, reprenant la formule “Deep Dream”, c’est-à-dire récursif et contingent qui s’enfonce infiniment dans la pénombre et le perspectivisme.

 

2 avril 2020. Numérique et effondrement (discussion de textes et d'oeuvres)

Références:

9 avril 2020. Jill Gasparina (HEAD, Genève). Des hommes et des robots dans l’espace

 
Image : Projet CIMON et Alexander Gerst, image AIRBUSHAL 9000, Kirobo, Robonaut, Icarus, CIMON, Gerty, Fiodor. Cette séance s’articule autour des interactions hommes-robots en milieu spatial, et leur(s) effet(s) sur l’habitabilité extraterrestre. Par-delà l’accomplissement des fonctions pour lesquelles ils sont prévus, ces robots font aussi l’objet d’études quant à leurs qualités relationnelles. 

La réflexion puise dans un corpus issu de la fiction, mais aussi dans un ensemble de cas d’étude issus du monde de la recherche spatiale.

 
Références pour préparer la séance:
 

23 avril 2020. Technique et travail. Discussion de textes et d'oeuvres.

 
Références :

30 avril 2020. Nicolas Nova (HEAD). Les Docteur Smartphones, des travailleurs discrets du numérique

Suivant les époques, les discours à propos des mondes numériques mettent en lumière différentes figures. Hackers, programmeuses, influenceurs, inventeurs, gamers font ainsi partie des profils fréquemment convoqués, avec plus ou moins de nuances sur ce qu'ils recouvrent. D'autres acteurs plus discrets contribuent néanmoins à leur manière à notre expérience des réseaux numériques. Sur la base d'une enquête ethnographique récemment menée en Suisse, cette présentation abordera le rôle croissant joué par les réparateurs de smartphone, et l'importance de leur travail dans nos pratiques quotidiennes avec les questions de durabilité des objets techniques.

Références pour préparer la séance:

 

7 mai 2020. Quand les machines imaginent, dessinent, écrivent. Discussion, analyse d’œuvres.

Des générations d'historiens et de théoriciens de l'art ont développé l'idée d'une pensée des œuvres, que le développement des œuvres conçues par ordinateur, sans intervention humaine directe, oblige à revisiter.

Partant de la discussion autour des idées d'Hubert Damisch présentée dans Perspective, nous discuterons des œuvres de la liste qui suit.

14 mai 2020. L'I.A. au cinéma. Exposés et conclusions

 

Quelques indications :