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1946-08-01, Max Dominicé à Denis de Rougemont

Mon cher Denis,

Que cette lettre t’accueille à Areuse avec toute mon affection, dans ce coin si chargé de chers souvenirs pour notre amitié.

Me conformant à tes instructions, j’ai téléphoné dimanche soir à ta mère, pensant profiter de mes derniers jours de vacances pour faire une virée de tes côtés. Hélas, tu n’étais pas encore arrivé ; j’ai maintenu la virée (rouler à travers cette Suisse romande par ce temps splendide était merveilleux) [p. 2] m’arrêtant à Essertines-sur-Rolle qui m’a enchanté (lis l’article ci-inclus) et allant voir mon frère André, qui travaille au Département politique à Berne.

Je reprends aujourd’hui le travail paroissial, mais cela ne veut pas dire que je ne pourrai pas aller à Areuse. Et puis nous comptons ferme te voir venir à Genève. Ce sera merveilleux. J’ai tant de choses à te dire et à te demander.

Nous venons de passer par [p. 3] une terrible émotion : mon fils Christian s’est cassé les deux poignets en tombant d’un arbre, le 24 juillet. Quand on pense qu’il aurait pu se tuer, ou se briser la colonne vertébrale, ou s’estropier définitivement, le sang se glace dans vos artères et on ne peut que dire merci à Dieu.

Le pauvre gosse a deux plâtres et souffre beaucoup du poignet gauche qui a été tordu. La cassure du droit est heureusement franche. Madeleine est très à l’attache. On [p. 4] doit nourrir Christian à la becquée…

Donc, lance une carte dès que tu seras là.

Nous nous réjouissons !
Max

 

P.-S. Lundi, à Essertines, il y avait un rédacteur de Réforme et Coray, le président des « Jeunes patrons » de France.

Quant à Bossey, le beau château des œcuméniques, il fonctionne à plein rendement.