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1938-12-05, Denis de Rougemont à Max Dominicé

Mon cher Max,

Je suis terriblement en retard avec toi et la V. P. Que je réponde tout de suite à la question précise de ta dernière lettre. Je dois faire cinq conférences en six jours (dont deux à Bâle). Je serai certainement trop fatigué pour en faire une sixième. Mais si tu veux grouper autour d’une table quelques étudiants, je suis tout prêt à leur parler en réponse à des questions préparées, et sur le sujet délimité du protestantisme. Tout ce que je demande, c’est de n’avoir pas à faire de laïus d’introduction, et que les auditeurs ne soient pas des curieux mais des questionneurs sérieux.

La V. P. — Comme toujours, cela s’améliore nettement de numéro en numéro. Les premiers avaient deux défauts : ennui typographique et léger désordre dans la répartition des articles selon les rubriques. Le second défaut s’atténue, surtout dans le dernier numéro (où a paru mon article). Quant à la typo : il me semble que le texte est souvent en trop gros caractère et les titres en trop petit, et monotone. Il y aurait avantage à s’inspirer des hebdos français (voir Temps présent par exemple) qui sont beaucoup plus variés [p. 2] dans la présentation. Il faudrait aussi arriver à grouper plus nettement les matières, par exemple en mettant un titre de rubrique sur toute la largeur d’une page, avec quelques ornements typographiques, ou un bandeau dessiné. Cela met de l’air et facilite la lecture, quand on cherche telle ou telle sorte de nouvelles. — Pour le contenu, je n’ai rien à dire que tu ne saches mieux que moi. Le Berguer est déplorable, le Leuba excellent. Les nouvelles religieuses très intéressantes, peut-être pas assez nombreuses. Pourquoi ne pas faire carrément une demi-page consacrée aux livres, spectacles, cinéma, et bien isolée par un titre général ? Peut-être aussi serait-il bon d’éviter qu’il y ait sur la page 1 deux articles seulement, longs et en entier. On en met en général quatre, quitte à faire suivre à la page 2 ou 3. Cela donne plus de vie, une impression de variété, cela « accroche » mieux.

Un grand merci pour ta note sur mon Journal. Ce produit de huit jours de vacances a un succès inattendu. À droite et à gauche, de très beaux articles (Mauriac, Vandervelde) et 4000 exemplaires vendus en quinze jours, au début.

Tu me diras à l’occasion comment mon article de la V. P. a été accueilli par les lecteurs, s’il y a eu des réactions.

Je suis en plein travail avec Honegger pour mon Nicolas. C’est passionnant, mais très difficile et plein de dangers. Je fais une pièce réformée sur un sujet catholique. Mon Nicolas prend une allure de réformateur !

Cigogne et moi pensons bien souvent à vous deux, avec la plus sérieuse amitié. Donne-nous de vos nouvelles quand tu le pourras, en attendant qu’on se voie en janvier. — Ici, tout va pour le mieux, pour nous trois.

Dis-moi ce qui ferait plaisir à ma filleule pour Noël, n’oublie pas !

Affectueusement à vous deux.
D. de Rougemont