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1956-08-04, Max Dominicé à Denis de Rougemont

Mon vieux Denis,

Sur ces hauteurs tranquilles, où le chamois broute dans la paix relative que lui laissent les avions à réaction de la maman Confédération, je mets à jour mon courrier, et je viens te dire ceci :

Après la confirmation de ta fille, tu m’as fait un beau cadeau de livres, et j’en ai été extrêmement touché. Si je ne t’ai pas écrit tout de suite, c’est que je voulais absolument que ces remerciements coïncidassent avec une invitation à venir prendre un repas chez nous avec ta femme.

… Hélas, les semaines ont passé ; ce fameux mois de juin où l’on croit [p. 2] toujours qu’on sera « moins chargé » s’est écoulé avec ses fatigues habituelles, auxquelles s’est joint le fait que nous sommes très mal secondés à la maison… Bref, la chose ne s’est pas arrangée, et j’en suis désolé.

Qu’au moins ces lignes te disent ma reconnaissance, et notre « ferme propos » de reprendre le projet à la rentrée. Je dois être en Allemagne du 13 au 23 août et reprends ensuite le service à St-Gervais, avec absence de nouveau du 8 au 16 septembre.

Pour te faire prendre patience, je t’envoie ci-inclus une de mes dernières productions…a

Avec ma fidèle amitié.
Max

 

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La France est comme un coq… Or cette étrange bête
Est capable, dit-on, de courir un long temps
Lorsqu’abattant sur elle un outil contondant
On lui a, d’un coup sec, éliminé la tête !
Pauvre France, tu cours, depuis cent-soixante ans…
Du quatorze juillet tu fais ta triste fête,
Sans vouloir reconnaître, à travers tes tourments,
Qu’en tuant ton bon roi, tu t’es tranché la tête !
(Composé le 21 janvier 1956, jour anniversaire de la mort de Louis XVI, dans le train qui m’emmenait à Paris.)