[p. 1]

1964-03, Max Dominicé à Denis et Nanik de Rougemont

Chers amis,

Silence des Dominicé en décembre ; absence des Dominicé le 28 février ; voilà qui est bien incompréhensible et regrettable…

Hélas, nous avons eu une fin d’année très particulièrement chargée et fatigante, de sorte que la correspondance en a pâti. Qu’au moins ces présentes lignes vous disent que nous avons pensé à vous au moment du mariage de Nicolas et formons les meilleurs vœux pour son bonheur. L’Europe s’édifie aussi par le moyen des mariages internationaux et j’espère que Denis a vu satisfait son goût de la liturgie lors de cette cérémonie luthérienne.

Quant au 28 février, c’est idiot : ayant fait une vilaine chute dans mon grenier, assortie d’une commotion cérébrale [p. 2] avec plaie au cuir chevelu, j’ai été strictement immobilisé, d’abord chez moi pendant quinze jours, puis ici depuis une semaine et pour quinze jours encore, où l’on procède à une révision complète du moteur. Ce n’est pas extrêmement folichon. Quand il fera moins froid, je pousserai jusqu’au bord du lac, où nous eûmes il y a quelque trente ans le Camp de la Lignière, remplaçant Chanivaz. En étais-tu, Denis ?

Je n’ai pas encore révélé à mon médecin ce que vous m’avez dit, chère amie, assavoir [sic] que je suis plus paranoïaque que schizophrène (ce qui est bon, je crois), mais peut-être n’est-ce pas très nécessaire ?

À l’âge où je suis (63 ans dans un mois) on fait souvent « le compte de ses voies » comme dit l’Écriture, et le bilan est bien négatif. C’est pourquoi les amitiés sont plus précieuses que jamais, et c’est pour vous dire la mienne, très vive et fidèle, que je vous écris.

Max Dominicé