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1972-11-04, Max Dominicé à Denis de Rougemont

Cher Denis,

Le lundi 23 octobre, on a — par suite d’une décision du Conseil (municipal) de Paris — donné le nom de l’amiral de Coligny au bout de la rue du Louvre à la rue de Rivoli, c’est-à-dire qui longe d’un côté la colonnade de Louis XIV, le grand persécuteur des huguenots, et de l’autre l’église de St-Germain l’Auxerrois, dont la cloche donna le signal du massacre de la St-Barthélémy.

Nous sommes allés, Madeleine et [p. 2] moi, vivre sur place cette heure historique. Il y eut un excellent discours de Mme de Hautecloque (la nièce du maréchal Leclerc, présidente du Conseil de Paris), un autre du pasteur Allier, président de la Société d’histoire du protestantisme français, et un troisième de l’ambassadeur des Pays-Bas, sa reine descendant de Coligny (la fille de l’amiral épousa Guillaume le Taciturne). Ce fut très beau.

Nos Bellevillois ont ainsi cette occasion pour nous fêter (repas de trente à quarante couverts) après quarante ans d’absence !! On ne perd pas son temps en annonçant l’Évangile. Ce fut touchant et merveilleux.

[p. 3]Autre chose : depuis de très nombreuses années, je pense que la musique de la « Marseillaise » est splendide, mais que ses paroles sont affreuses (j’ai dû, aux « classes gardiennes » de notre Bon Foyer de Belleville apprendre à de délicieux gosses à chanter : « … qu’un sang impur abreuve nos sillons »… affreux).

C’est pourquoi, l’autre jour, dans le train, je me suis amusé à créer de nouvelles paroles pour cet hymne… et tu comprendras sans peine pourquoi c’est à toi que j’en sers la primeur.

[p. 4] Évidemment, tu vas hurler de rire, tellement mes vers sont moches. Ce sont des « vers de caramels ». Mais je me dis que tu connais certainement un poête de talent qui serait capable de composer — en un style valable — des vers remplaçant avantageusement les miens. Je te serais reconnaissant de le chercher.

En attendant une bonne réponse de ta part, je te dis — ainsi qu’à ta chère femme — ma fidèle amitié.
Max

[p. 5] Sur l’air de « la Marseillaise »

 

Allons enfants de la patrie
Le jour de joie est arrivé.
Plus de guerres, de tueries :
Le continent est rassemblé (bis).
Nos peuples, au long des années,
Se sont suffisamment battus ;
Aujourd’hui, nous n’en voulons plus :
Notre patrie Europe est née !
Debout, Européens !
Donnez-vous tous la main !
Marchons ! (bis)
Luttons ! (bis)
Et l’avenir
Comblera nos désirs