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1947-08-19, Max Dominicé à Denis de Rougemont

Mon cher Denis,

Ne sachant où t’atteindre, j’adresse à Areuse, comptant sur tes bons parents pour faire suivre s’il y a lieu.

Au reçu de ta lettre du 7 mai, j’étais un peu comme Gargantua lorsqu’il apprit du même coup la naissance de Pantagruel et la mort de Badeber… Mais, au risque de froisser ton amour-propre de conférencier, je t’avouerai que l’immense joie que m’ont causée les nouvelles de ton foyer a balayé bien vite le chagrin que m’apportait [p. 2] ta réponse négative quant à la Journée protestante du dimanche 7 septembre.

Nous nous sommes immédiatement mis en quête d’un remplaçant, et, après avoir heurté en vain aux portes de Wahlen (du plan Wahlen !) et de Salis, en balade à travers le monde, nous avons eu le bonheur d’obtenir le concours de Gaston Bridel, qui parlera sur : « Actualité de la Réforme ». Je suis très content que le rédacteur en chef du plus grand quotidien genevois se compromette ainsi.

Cette journée du 7 septembre sera, je crois, une belle chose, avec [p. 3] prédication de Jean Cadier devant une assemblée entièrement masculine, pique-nique populaire, et, le soir création d’un « Moïse », drame sacré.

Si vous êtes dans les parages, vous devriez venir. On t’accueillera à bras ouverts même comme simple badaud ! Nous espérons vivement loger ta charmante sœur et M. le conseiller fédéral chez ma mère à Genthod. Pourvu qu’il fasse beau temps !

La coïncidence de notre semaine protestante, qui suivra cette journée, avec la quinzaine des Rencontres internationales me semble une chose heureuse… sauf pour le problème des logements !

[p. 4] Oui, nous avons passé de bons moments ensemble l’an dernier, mais ceux que nous passerons ensemble cette année seront bien meilleurs ! Je me réjouis prodigieusement de vous revoir et de faire la connaissance des enfants. Comme tu as raison de vouloir en faire des Européens. Pauvre Europe ! C’est l’heure de former le dernier carré, comme les vieux Suisses, autour de la Croix.

Donc, à bientôt. Madeleine est à Jussy. Je suis à 2000 m. pour faire plaisir à mon médecin. Nous avons passé huit jours épatants au bord de la mer en Italie avec les quatre gosses.

Affectueusement.
Max Dominicé

 

P.-S. Excuse le retard de ces lignes… Ta lettre est arrivée en pleine bagarre de Pentecôte (35 catéchumènes) et en juin et juillet j’étais recru de fatigue.