Journal n°158

Les plumes des oiseaux bourgeonnent par vagues selon un motif régulier

image-3.jpgSans les plumes, les oiseaux n’auraient jamais pris leur envol. Les mécanismes biologiques déterminant avec précision le nombre et la disposition de ces appendices sont cependant restés jusqu’à présent méconnus, faute de moyens technologiques suffisants pour les étudier. Aujourd’hui, grâce  aux progrès  réalisés dans les méthodes d’analyse, Michel Milinkovitch et Athanasia Tzika, respectivement professeur et chercheuse au Département de génétique et évolution (Faculté des sciences) et leurs collègues de l’Université d’Édimbourg ont pu montrer comment la signalisation génétique entre les cellules et des processus mécaniques se combinent pour former dans la peau des volatiles une ligne de propagation, le long de laquelle les ébauches de plumes se développent. Comme le rapporte un article paru le 21 février dans la revue PLOS Biology, il en résulte un réseau hexagonal très ordonné de plumes. Les auteurs relèvent que ce développement par vagues n’existe pas chez les oiseaux ayant perdu leur capacité de voler, comme les émeus et les autruches.

Les plumes des oiseaux ainsi que leur disposition selon un motif hexagonal sont une caractéristique héritée de leurs lointains ancêtres, les dinosaures. Leur formation a été étudiée pendant plus de cinquante ans comme un modèle pour comprendre comment des tissus simples interagissent pour produire des organes. Mais ce n’est que récemment que les chercheurs ont pu observer le processus microbiologique du développement des plumes.

Durant la formation de l’embryon de l’oiseau, les plumes se forment d’abord en ligne le long du milieu du dos

Grâce à des méthodes innovantes d’imagerie, les scientifiques ont analysé les premiers stades du développement des plumes chez diverses espèces d’oiseaux avant leur éclosion. Ils se sont d’abord focalisés sur des embryons de poules et de canards pour suivre des cellules individuelles pendant le processus de développement.

«Nous avons observé que durant la formation de l’embryon de l’oiseau, les plumes se forment d’abord en ligne le long du milieu du dos, détaille Michel Milinkovitch. Ensuite, des lignes de nouveaux bourgeons de plumes sont ajoutées séquentiellement suivant un motif hexagonal régulier, grâce au déplacement de la ligne dorsale sur les flancs.»

Deux voies de signalisation moléculaires sont responsables de cette disposition: le facteur de croissance des fibroblastes (FGF) et les protéines morphogénétiques osseuses (BMP). Une troisième voie de signalisation, nommée EDA, dirige le déplacement de l’onde de structuration des plumes.

Curieusement, les biologistes ont découvert que, contrairement à ceux des canards et des poules, les embryons d’émeu et d’autruche ne présentaient pas une onde mobile de développement des plumes.

La densité du plumage affecte la tolérance des oiseaux à la chaleur

«Nous avons observé que l’absence de cette vague de développement générait une disposition désordonnée des plumes, s’étonne Athanasia Tzika. Ceci est probablement dû à l’inexistence du vol chez ces espèces depuis des millions d’années, créant petit à petit l’absence d’une disposition hautement ordonnée des plumes.»

Une des raisons qui poussent les chercheurs à s’intéresser à la formation des plumes est que la densité du plumage affecte la tolérance des oiseaux à la chaleur. En effet, la plupart des variétés commerciales de poulets ont trop de plumes pour supporter des températures très élevées, ce qui a un impact important pour l’élevage dans les pays à faible revenu, ou règne souvent un climat tropical et où la demande de volaille est croissante.

Selon les auteurs, comprendre les mécanismes biologiques impliqués dans la formation des plumes permettra de développer des races plus résistantes à la chaleur, en adaptant la densité des plumes des oiseaux d’élevage aux climats sous lesquels ils vivent. —