Journal n°158

Des algorithmes pour explorer la matière

image-9.jpgAcheter en ligne, choisir la prochaine chanson à écouter sur Spotify ou conduire la nouvelle voiture autonome: les algorithmes font désormais partie de nos vies.

Pourtant, il existe un domaine où cette intelligence et cette autonomie des algorithmes n’ont pas encore fait leurs preuves: la physique des particules au CERN. À 100 mètres sous le sol de Genève, des scientifiques explorent le secret de l’Univers en collisionnant des millions de particules dans un tumulte ardent, et à chaque seconde. Les programmes qui explorent cette fièvre de fragments reprennent des équations et des théorèmes écrits il y a plus de 40 ans par d’éminents scientifiques.

C’est dans cette optique que j’aspire dans ma thèse, avec l’aide de mon équipe et d’autres chercheurs de multiples disciplines, à dompter des algorithmes dits intelligents. Le but est de rivaliser avec les équations traditionnelles en redoublant d’efficacité dans l’exploration de la matière. Je m’intéresse principalement à la reconstitution de la trajectoire des particules créées dans le Grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN. Pour reconstituer le passage de ces précieuses trajectoires, je ne dispose que de points d’impact des collisions sur la paroi du détecteur. À chaque étape, l’algorithme que je développe tente d’assembler 100 000 points en 10 000 trajectoires. C’est comme réaliser un puzzle de 100 000 pièces muettes sans couleur ni signe distinctif. Ce n’est qu’à la fin de l’exercice que le dessin global se révèle à l’observateur. Voilà la raison principale pour laquelle j’ai recours à l’intelligence artificielle. Un algorithme intelligent est capable de reconnaître des centaines de pièces simultanément et de découvrir par lui-même de nouvelles voies à emprunter.

Pour concevoir ces algorithmes intelligents, de plus en plus de scientifiques s’inspirent directement du cerveau. L’un des modèles que j’utilise imite justement un réseau de neurones humain, infiniment simplifié mais toujours efficace pour trouver du sens. Imiter la capacité du cerveau à reconnaître des modèles et apprendre de ses erreurs permet d’ouvrir une nouvelle fenêtre sur notre compréhension de l’Univers et de la matière. L’intelligence artificielle deviendra-t-elle notre meilleure alliée pour l’exploration de l’inconnu? C’est la question au centre de ma recherche. —

Concours
Sabrina Amrouche participe à l’édition 2019 du concours «Ma thèse en 180 secondes».
Finale UNIGE, mardi 9 avril 2019 à 18h, Uni Dufour.