Projets de recherche

 

Le marché du préservatif est un marché ancré, intemporel et universel. En Suisse, le préservatif est, avec la pilule, le moyen de contraception le plus utilisé du pays. Le projet veut apporter une innovation sur le marché du préservatif.

La cellulose bactérienne est un bio-polymère produit par des bactéries acétiques. Il s’agit donc d’un produit naturel qui possède de nombreux avantages, dont celui d’être un matériau chimiquement pur, complètement biocompatible avec le corps humain et biodégradable dans l'environnement. Lors d'un cours qui portait sur le Business Design, dans le cadre de leurs études à la Faculté de médecine de l’UNIGE, Khatiba Khatibi, Ezia Oppliger, Ezgi Gozlugol et Emma Jaques ont eu l’idée d’étudier la possibilité de créer un produit dans le domaine de la santé sexuelle : un préservatif à base de cellulose bactérienne en développant le projet « OSE ! ». Elles ont remporté le prix InnoSciences 2020 de la Faculté des Sciences à l’UNIGE et eu accès à un laboratoire afin de commencer leurs recherches sur le préservatif en cellulose, sous la supervision du SIH (Science Innovation Hub) et du Dr François Barja. Par ailleurs, elles ont remporté la 2ème place au Concours de la meilleure idée, organisé par l’UNIGE en novembre 2020 dans le cadre de la Semaine de l’entrepreneuriat.

Une recherche, avec le soutien du Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités - CMCSS, doit être menée afin de pouvoir assurer une utilisation fiable et sure de ce matériau prometteur. L'élasticité, la résistance ou encore l'étanchéité, des propriétés essentielles à la fabrication de préservatifs, restent encore à parfaire.

À travers ce projet, elles souhaitent optimiser la santé sexuelle en développant un produit innovant afin de permettre au monde de s’épanouir sexuellement sans danger et de façon plus écologique.

Le projet Ose! pour le développement de préservatifs en cellulose est né dans le cadre d’un cours d’introduction à la prospective de 2e année de Bachelor en Sciences Biomédicales. En décrochant le premier prix du concours Innosciences, Khatiba Khatibi, Ezia Oppliger, Ezgi Gozlugol et Emma Jacqques ont remporté un accès aux laboratoires du Science Innovation Hub (SIH) afin de développer leur projet.

La cellulose a retenu leur attention car il s’agit d’un matériau qui possède des propriétés intéressantes à exploiter pour un produit comme le préservatif, telles que sa biocompatibilité ou son coût de production. Elles avaient cependant identifié trois paramètres nécessitant une adaptation du matériau : la résistance, l’élasticité et la porosité. À travers ce projet de recherche, elles ont donc cherché à augmenter la résistance et l’élasticité, et à diminuer la porosité de la cellulose afin d’obtenir un matériau exploitable dans le domaine des préservatifs.

Leur ambition à travers ce projet était de créer une alternative plus écologique et plus sûre aux préservatifs actuels grâce aux nombreux avantages de la cellulose bactérienne. En effet, ce bio-polymère biocompatible avec le corps humain n'entraîne pas de réaction d’hypersensibilité contrairement au latex, principal composant des préservatifs actuels. Ces derniers peuvent participer à la pollution de l’environnement et des eaux alors que la cellulose est entièrement biodégradée par des enzymes - les cellulases - lorsqu’elle se retrouve dans la nature. De plus, le latex s’obtient à partir de la sève d’arbres cultivés en Asie du sud-est et la majorité des préservatifs sont produits en Asie, puis importés à travers le monde. La cellulose peut être, quant à elle, produite localement dans des laboratoires en Suisse et permettrait donc de minimiser les déplacements pour ainsi développer un marché plus durable, plus équitable et plus écologique. Finalement, la cellulose forme des membranes particulièrement fines permettant d’optimiser le ressenti des usagers et ainsi les encourager à se protéger lors de rapports sexuels. D’après l’article “Characterization of cellulose membranes produced by Acetobacter xyllinum”, l’épaisseur de certaines membranes peut atteindre des valeurs comprises entre 10-30 micromètres. L’épaisseur moyenne des préservatifs les plus fins actuellement présents sur le marché sont de 40-55 micromètres. Les préservatifs en cellulose pourraient être donc jusqu’à trois fois plus fins.  

Elles ont travaillé avec la souche de bactérie Komagataeibacter europaeus 5P3, isolée par le Dr. François Barja. Celle-ci permet de produire une quantité optimale de cellulose.

Les points clés de leur recherche ont été la résistance et l’élasticité. En effet, la cellulose est trop fragile et pas suffisamment élastique pour développer un préservatif selon les normes ISO 4074, normes actuelles concernant les préservatifs. De plus, la cellulose est formée de fibres entrelacées formant des pores qui lui confèrent une certaine porosité. Il fallait donc s'assurer de l’imperméabilité des membranes aux spermatozoïdes ainsi qu’aux virus pour pouvoir en faire des préservatifs.

Les tests qu'elles ont effectués en laboratoire étaient basés sur des essais pour substituer ou ajouter des substances dans le protocole initial de fabrication de cellulose afin d’en modifier ses propriétés. Leur approche a consisté à faire pousser des échantillons de cellulose dans des boîtes de Pétri 30ml. Pour chaque substance testée, elles ont effectué des duplicatas ou des triplicatas à différentes concentrations ainsi que des contrôles en parallèle. Elles ont par la suite comparé la résistance de leurs échantillons en les recouvrant de lubrifiant. Finalement, elles ont analysé au microscope électronique à balayage la structure de dix de leurs échantillons les plus prometteurs.

Au cours de l’année qui s’est écoulée, elles n'ont pas trouvé la composante espérée qui changerait les propriétés de la cellulose de manière à pouvoir l’utiliser directement pour développer un préservatif. Elles ont cependant observé des changements notables grâce à certains composés tels que la mélasse comme source de carbone ou l'imprégnation des membranes dans de la phytokératine. De plus, le microscope électronique leur a montré qu’il était possible de refermer les pores des membranes de cellulose et de les rendre plus homogènes.

Cependant, la résistance et l’élasticité restent le problème principal. En effet, elles n'ont pas réussi à améliorer considérablement ces paramètres dans leurs échantillons de cellulose, ce qui ne leur permet pas d’envisager un prototype. C’est en partie pour cette raison, qu'elles ont malheureusement décidé de mettre un terme au projet « Ose! ». En effet, malgré les nombreux avantages de la cellulose (biocompatibilité, matériau biodégradable, naturel et local), la résistance et l’élasticité sont des paramètres indispensables au développement d’un préservatif. Il s’agit d’un dispositif médical qui doit respecter des normes de sécurité qui ne sont actuellement pas envisageables avec la cellulose telle qu'elle est produite. Après un an de travail sur la cellulose, elles concluent que le chemin vers le développement d’un préservatif reste encore long et que leurs ressources actuelles - scientifiques, temporelles et matérielles - ne leur permettent pas de s'investir sur le long terme à 100%. Actuellement toutes en Master, au vu de l’ampleur du projet, elles ne peuvent pas se permettre de mettre de côté leurs études qui restent leur priorité.

Quoi qu’il en soit, ce projet leur aura beaucoup appris tant au niveau entrepreneurial qu'au niveau scientifique. Elles ont acquis des compétences en laboratoire, en communication, en recherche de fonds, ainsi qu’en management qui leur seront utiles tout au long de leur carrière professionnelle. Pour cela, elles souhaitent encore une fois remercier le Centre Maurice Chalumeau pour avoir cru en elles et leur avoir permis de se lancer dans ce projet.

Nouvo_logo.jpegKhatiba Khatibi, Ezia Oppliger, Ezgi Gozlugol et Emma Jaques,Elles veulent créer des préservatifs biodégradables, Nouvo RTS, 11.02.2021

 

 

 

 

Radiolaclogo.pngKhatiba Khatibi, Ezia Oppliger, Ezgi Gozlugol et Emma Jaques, au micro de Benoît Rouchaleau, Des étudiantes genevoises planchent sur un préservatif sans latex, Radio Lac, 14.10.2020,

CONFÉRENCE

Préservatif en cellulose - Essais scientifiques vers une sexualité éco-compatible - conférence donnée le 25 février 2021 dans le cadre du cycle de conférences "Chimies sexuelles" du CMCSS