Le projet Ose! pour le développement de préservatifs en cellulose est né dans le cadre d’un cours d’introduction à la prospective de 2e année de Bachelor en Sciences Biomédicales. En décrochant le premier prix du concours Innosciences, Khatiba Khatibi, Ezia Oppliger, Ezgi Gozlugol et Emma Jacqques ont remporté un accès aux laboratoires du Science Innovation Hub (SIH) afin de développer leur projet.
La cellulose a retenu leur attention car il s’agit d’un matériau qui possède des propriétés intéressantes à exploiter pour un produit comme le préservatif, telles que sa biocompatibilité ou son coût de production. Elles avaient cependant identifié trois paramètres nécessitant une adaptation du matériau : la résistance, l’élasticité et la porosité. À travers ce projet de recherche, elles ont donc cherché à augmenter la résistance et l’élasticité, et à diminuer la porosité de la cellulose afin d’obtenir un matériau exploitable dans le domaine des préservatifs.
Leur ambition à travers ce projet était de créer une alternative plus écologique et plus sûre aux préservatifs actuels grâce aux nombreux avantages de la cellulose bactérienne. En effet, ce bio-polymère biocompatible avec le corps humain n'entraîne pas de réaction d’hypersensibilité contrairement au latex, principal composant des préservatifs actuels. Ces derniers peuvent participer à la pollution de l’environnement et des eaux alors que la cellulose est entièrement biodégradée par des enzymes - les cellulases - lorsqu’elle se retrouve dans la nature. De plus, le latex s’obtient à partir de la sève d’arbres cultivés en Asie du sud-est et la majorité des préservatifs sont produits en Asie, puis importés à travers le monde. La cellulose peut être, quant à elle, produite localement dans des laboratoires en Suisse et permettrait donc de minimiser les déplacements pour ainsi développer un marché plus durable, plus équitable et plus écologique. Finalement, la cellulose forme des membranes particulièrement fines permettant d’optimiser le ressenti des usagers et ainsi les encourager à se protéger lors de rapports sexuels. D’après l’article “Characterization of cellulose membranes produced by Acetobacter xyllinum”, l’épaisseur de certaines membranes peut atteindre des valeurs comprises entre 10-30 micromètres. L’épaisseur moyenne des préservatifs les plus fins actuellement présents sur le marché sont de 40-55 micromètres. Les préservatifs en cellulose pourraient être donc jusqu’à trois fois plus fins.
Elles ont travaillé avec la souche de bactérie Komagataeibacter europaeus 5P3, isolée par le Dr. François Barja. Celle-ci permet de produire une quantité optimale de cellulose.
Les points clés de leur recherche ont été la résistance et l’élasticité. En effet, la cellulose est trop fragile et pas suffisamment élastique pour développer un préservatif selon les normes ISO 4074, normes actuelles concernant les préservatifs. De plus, la cellulose est formée de fibres entrelacées formant des pores qui lui confèrent une certaine porosité. Il fallait donc s'assurer de l’imperméabilité des membranes aux spermatozoïdes ainsi qu’aux virus pour pouvoir en faire des préservatifs.
Les tests qu'elles ont effectués en laboratoire étaient basés sur des essais pour substituer ou ajouter des substances dans le protocole initial de fabrication de cellulose afin d’en modifier ses propriétés. Leur approche a consisté à faire pousser des échantillons de cellulose dans des boîtes de Pétri 30ml. Pour chaque substance testée, elles ont effectué des duplicatas ou des triplicatas à différentes concentrations ainsi que des contrôles en parallèle. Elles ont par la suite comparé la résistance de leurs échantillons en les recouvrant de lubrifiant. Finalement, elles ont analysé au microscope électronique à balayage la structure de dix de leurs échantillons les plus prometteurs.
Au cours de l’année qui s’est écoulée, elles n'ont pas trouvé la composante espérée qui changerait les propriétés de la cellulose de manière à pouvoir l’utiliser directement pour développer un préservatif. Elles ont cependant observé des changements notables grâce à certains composés tels que la mélasse comme source de carbone ou l'imprégnation des membranes dans de la phytokératine. De plus, le microscope électronique leur a montré qu’il était possible de refermer les pores des membranes de cellulose et de les rendre plus homogènes.
Cependant, la résistance et l’élasticité restent le problème principal. En effet, elles n'ont pas réussi à améliorer considérablement ces paramètres dans leurs échantillons de cellulose, ce qui ne leur permet pas d’envisager un prototype. C’est en partie pour cette raison, qu'elles ont malheureusement décidé de mettre un terme au projet « Ose! ». En effet, malgré les nombreux avantages de la cellulose (biocompatibilité, matériau biodégradable, naturel et local), la résistance et l’élasticité sont des paramètres indispensables au développement d’un préservatif. Il s’agit d’un dispositif médical qui doit respecter des normes de sécurité qui ne sont actuellement pas envisageables avec la cellulose telle qu'elle est produite. Après un an de travail sur la cellulose, elles concluent que le chemin vers le développement d’un préservatif reste encore long et que leurs ressources actuelles - scientifiques, temporelles et matérielles - ne leur permettent pas de s'investir sur le long terme à 100%. Actuellement toutes en Master, au vu de l’ampleur du projet, elles ne peuvent pas se permettre de mettre de côté leurs études qui restent leur priorité.
Quoi qu’il en soit, ce projet leur aura beaucoup appris tant au niveau entrepreneurial qu'au niveau scientifique. Elles ont acquis des compétences en laboratoire, en communication, en recherche de fonds, ainsi qu’en management qui leur seront utiles tout au long de leur carrière professionnelle. Pour cela, elles souhaitent encore une fois remercier le Centre Maurice Chalumeau pour avoir cru en elles et leur avoir permis de se lancer dans ce projet.