Prix européen de littérature : guildes et clubs du livre (août-septembre 1956)a b
Il y avait le prix Nobel, qui est mondial. Il y avait d’innombrables prix nationaux et locaux, plus ou moins spécialisés. Mais il n’y avait rien qui pût attirer l’attention d’un vaste public sur des œuvres nouvelles de signification européenne.
C’est pourquoi le CEC décida en 1950 de patronner un Prix littéraire européen, conçu de manière à assurer aux lauréats une publication rapide dans les principales langues de l’Europe, et par là même des bénéfices beaucoup plus importants que le montant nominal du prix (fr. suisses 10 000).
Pour réaliser ce projet, le CEC s’adressa aux guildes du livre. Ces entreprises, qui se sont rapidement développées après la guerre, ont réussi à créer un très vaste public de lecteurs nouveaux, en leur apportant à domicile des livres choisis à leur intention, moins chers et mieux édités que ceux qu’ils auraient pu trouver dans le commerce, mais que, pour bien des raisons, ils n’allaient pas y chercher. (Par exemple : entrer dans une librairie, sans bien savoir quel ouvrage choisir dans une production qu’on connaît mal, voilà qui intimide des centaines de milliers de lecteurs potentiels.)
En mai 1951, sur l’initiative du CEC, douze guildes de dix pays, groupant près de 700 000 membres, formèrent ensemble la Communauté [p. 17] européenne des guildes et clubs du livre, et annoncèrent la création d’un Prix européen de littérature, réservé à des œuvres inédites.
Le prix fut décerné pour la première fois le 26 mars 1953, par un jury international de sept membres1, et divisé entre deux auteurs : Werner Warsinsky, ouvrier allemand, totalement inconnu jusqu’alors, pour son roman Kimmerische Fahrt, et Czesław Miłosz, poète polonais, déjà célèbre dans son pays, mais récemment réfugié à l’Ouest, où son nom était encore ignoré, pour son récit du siège de Varsovie en 1944, intitulé La Prise du pouvoir. Ces deux ouvrages, publiés aussitôt par les guildes, puis par de nombreux éditeurs en diverses langues, ont été révélés de la sorte à un très vaste public international.
Le prix devait être décerné une seconde fois en 1956, par un jury composé de MM. Helmut Dressier (Allemagne), Jean Giono (France), Hans Egon Holthusen (Allemagne), Robert Kanters (France), Denis de Rougemont (Suisse), Ignazio Silone (Italie) et Stephen Spender (Angleterre). Malgré l’affluence des manuscrits, le jury ne trouva pas cette fois-ci d’œuvre qui lui parut à la fois adaptée au public des guildes membres (public qui dépasse aujourd’hui 900 000 lecteurs) et présentant un intérêt assez généralement humain pour être traduite dans tous nos pays. Une nouvelle formule de prix, incluant les ouvrages déjà publiés, a donc été soumise à l’étude des guildes. Elle sera annoncée en 1957.