Une université européenne [Introduction] (juillet 1958)a b
Le présent numéro du Bulletin du CEC est entièrement consacré aux problèmes posés par l’enseignement européen supérieur, et notamment par les divers projets, en cours de discussion, tendant à la création d’une Université européenne.
On trouvera ci-après l’essentiel des travaux du groupe d’études réuni les 4 et 5 juillet au Centre européen de la culture, aux fins de déterminer les positions des milieux universitaires « européistes » en présence de ces problèmes, soit :
— les rapports préparatoires,
— un résumé des débats,
— le texte de la résolution adoptée.
Les circonstances et les objectifs du groupe d’études sont exposés dans l’allocution de bienvenue que prononça au début des travaux le directeur du CEC, et dont nous reproduisons ici de larges extraits :
Messieurs
Nous souhaitions réunir une vingtaine de personnes : 10 représentants de l’Association des instituts d’études européennes, 5 représentants de l’Association des universitaires d’Europe et 5 observateurs. Vous voici vingt au rendez-vous que nous vous donnions il y a trois semaines à peine, et je vous remercie de montrer ainsi que vous avez compris l’importance que peut avoir cette réunion, dans le contexte de la construction européenne.
De quoi s’agit-il aujourd’hui ? D’un principe à illustrer, dans une situation concrète, c’est-à-dire dans une situation à la fois claire quant à ses données et incertaine quant à son issue, qui ne dépend de vous [p. 2] qu’en partie, mais cette partie vous intéresse au premier chef et justifie notre rencontre.
Voici le principe à illustrer : on ne fera pas l’Europe sans sa culture, car ce serait faire l’Europe sans ce qui la définit ; ce serait faire autre chose que l’Europe, quelque chose qui ne nous intéresse pas nécessairement.
Et voici la situation concrète : les trois communautés européennes ont publié le 20 mai dernier un communiqué de presse annonçant leur décision de créer une Université européenne. Nous avons appris un peu plus tard que la commission désignée pour rapporter sur cet objet devait remettre ses propositions le 1er juillet aux Conseils des ministres. Nous ignorons encore le contenu de ce rapport, et les suites que les ministres ont pu lui donner. Il n’est donc pas question de se prononcer là-dessus. Nous vous avons demandé de venir ici pour définir, en tout état de cause, vos positions, qu’elles se révèlent conformes ou non aux décisions qui pourront être prises ailleurs, et qu’il vous appartient d’influencer, si toutefois vous parlez à temps.
Deux mots sur l’historique de cette rencontre.
Lors de l’assemblée générale annuelle de l’Association des instituts d’études européennes, à Turin, le 31 mai, lecture ayant été faite du communiqué des trois communautés du 20 mai relatif à la création d’une Université européenne, il a été décidé :
— de réunir une conférence sur cet objet au mois d’octobre
— de demander à l’Association des universitaires d’Europe ainsi qu’à quelques observateurs de s’y joindre
— d’informer de ce projet les Conseils des ministres et les exécutifs des trois communautés.
Au cours d’une réunion préparatoire tenue le 9 juin au CEC, à Genève, il a paru nécessaire — sur la foi de nouvelles informations laissant prévoir une décision très prochaine des ministres — d’avancer la date de la conférence, et de réunir dès le début de juillet un groupe d’études plus restreint que prévu, mais capable de se prononcer en temps utile sur les questions à débattre, qui se trouvent avoir fait l’objet de fréquentes discussions, depuis dix ans. Nous avons proposé aussitôt les dates des 4 et 5 juillet. Nous nous sommes engagés à convoquer, préparer et tenir cette réunion dans un délai de trois semaines et demie, et vous voici.
[p. 3] Je remercie particulièrement les auteurs des rapports, qui ont tenu des promesses qu’ils croyaient imprudentes, mais vous voyez que ce n’était pas le cas.
De plusieurs côtés, on nous a dit : — Attention ! cette réunion est prématurée ! Attention ! vous arriverez trop tard ! N’en sera-t-il pas toujours ainsi ? Nous avons pensé qu’à tout prendre, le plus tôt serait encore le mieux.
En fait, il s’agit aujourd’hui de savoir ce que vous, représentants des Instituts universitaires d’études européennes ; et vous, représentants des milieux universitaires déjà acquis à l’idée européenne, attendez, redoutez ou souhaitez d’une Université européenne. Et il s’agit que vous vous prononciez sur ce sujet en toute indépendance et objectivité, bien moins au nom des intérêts de vos instituts et de vos chaires, si justifiés soient-ils, qu’au nom de votre expérience acquise et de votre foi dans l’union de l’Europe.
Que représente le groupe ici réuni ? Vous avez devant vous la liste de ses membres et leurs titres. Elle dit assez ce que les instances européennes, saisies du projet qui nous occupe, sont en droit, mais aussi en devoir — me semble-t-il — d’attendre de vos résolutions.