Europe-URSS : en attendant le dialogue (février 1956)a b
Les réactions soviétiques — officielles ou privées — sont en général très lentes, on assez brusques. Au sujet de notre numéro spécial de décembre 1955, elles n’ont pas été brusques du tout. Nous attendrons donc, comme prévu.
Du côté européen, en revanche, les réactions sont déjà nombreuses. De Belgique, de Hollande, de France, de Suisse et du Danemark, nous parviennent des messages d’approbation et des articles de presse favorables à nos propositions. Mais il faut être deux pour dialoguer.
En attendant, citons quelques informations sur les relations culturelles existantes.
Le peintre français Chapelain-Midy a été l’hôte des peintres russes, à l’occasion d’une exposition d’art français organisée à Moscou. Il se déclare surpris par « l’uniformité de la peinture soviétique » (France-Soir, 19 janvier 1956). Selon lui, les peintres russes ne s’intéressent qu’aux scènes historiques et aux scènes de genre. « Le client essentiel du peintre est l’État », qui lui commande des sujets déterminés, lui achète des toiles et les expose dans les gares, les bureaux et les grands hôtels. Les peintres russes admirent « Poussin, David. Delacroix, Courbet et Daumier… (à cause des sujets), mais considèrent Cézanne comme le début de la décadence ». Ils sont très hostiles à Picasso et Matisse. Indifférents aux qualités plastiques, sensibles au réalisme du détail, à la mise en scène, et à l’illustration photographique, leur goût ne diffère donc en rien de celui du « petit bourgeois réactionnaire de l’Occident ».
« Tous les enfants ont du génie sauf Minou Drouet » a dit, sans doute injustement, Cocteau. Selon la Gazette de Lausanne du 25 décembre 1955, il pourrait ajouter à la poétesse de huit ans les jeunes Russes de 4 à 18 ans qui exposent dans une galerie de Londres. « Réalisme photographique rappelant les dessins précieux [p. 22] qu’exécutaient jadis les vieilles dames et les célibataires sentimentaux. » « Monde immobile et composé, où l’imagination est tuée par les exercices d’académie et d’observation. Aucune évasion n’est permise, aucune folie autorisée… Depuis huit ans, la sagesse prédomine, et avec elle la froideur des bons élèves. »
L’opéra célèbre du compositeur américain Gershwin, Porgy and Bess, mettant en scène des nègres du Sud des États-Unis, vient d’être représenté à Moscou, par des chanteurs de couleur. Grand succès — onze minutes d’applaudissements lors de la première — mais stupéfaction et gêne du public quand les acteurs s’embrassent sur la scène.
La revue Amerika reparaît à Moscou. C’est la seule revue occidentale autorisée jusqu’ici. Imprimée aux États-Unis, libre de toute censure, elle tire à 50 000 exemplaires distribués au public par les services officiels russes, tandis que 1000 exemplaires sont confiés à l’ambassade américaine.
Pas une seule revue de France ou d’Italie (pays où les communistes représentent de 25 à 35 % du corps électoral) n’a reçu la permission de paraître en URSS. Aux USA, le parti communiste est interdit.