Neuf expériences d’éducation européenne [Conclusion] (décembre 1959)a
Nous avions deux objectifs principaux : essayer des méthodes et détecter des responsables. Nous voulions expérimenter. Notre manière fut celle d’un jardinier, qui donne des soins méticuleux à des pousses minuscules, insignifiantes, jusqu’au moment où il sent qu’elles vont « partir », et qu’on peut les laisser aller vers les vastes récoltes futures. (Quand rien n’a pris, le jardinier cherche à savoir pourquoi ; et s’il le trouve, il se rassure, car il saura faire mieux la prochaine fois.)
Les moyens limités dont nous disposions nous ont souvent contraints à des improvisations empiriques que la science des sociologues jugera peut-être sévèrement. Mais ce défaut nous a mis à l’abri de la tentation majeure dans ce domaine : celle de plaquer sur une région-cobaye, sélectionnée par quelque cerveau électronique, un système d’expérience plus lourd que le milieu qu’on a choisi, et qui l’écrase, ou en tout cas le modifie avant même qu’on ait pu l’observer dans sa vie propre. Nos moyens étaient comparables à ceux de l’homéopathie, permettant d’inciter — non de forcer — des réactions intimes, peu visibles à l’œil nu et difficilement mesurables, mais attendues et comme préfigurées par la nature même des tissus sociaux. Similia similibus.
Au total, sommes-nous satisfaits ?
Non, dans la mesure où il pourrait sembler que certains succès ou échecs ont été obtenus par accident, comme en dépit de nos efforts. Oui, dans la mesure où nous avons senti qu’ici ou là, quelques germes ont pris, et que telle méthode, désormais, peut être généralisée : ainsi dans le domaine scolaire. Oui, encore et surtout, dans la mesure où nous avons trouvé partout ces responsables réalistes, ces animateurs enthousiastes sans lesquels nous n’eussions rien pu faire, mais avec lesquels désormais nous savons qu’une action persévérante et féconde peut être conduite.
Nous n’avions pas d’autre ambition que de mieux voir d’abord, afin de mieux montrer ensuite, par le moyen de cette publication, ce qui peut être fait et ce qu’il reste à faire.
Fort de ces expériences acquises, le CEC et son département de l’éducation se donneront pour tâche, désormais, de seconder et de coordonner les efforts qui se manifestent déjà, dans plusieurs pays, en vue de multiplier les campagnes locales d’éducation européenne.