Éducation européenne (février 1958)a
Communiqué de presse du 4 juin 1957
Un don de la Fondation Ford au Centre européen de la culture.Le CEC vient de recevoir une subvention de $ 40 000 de la Fondation Ford, destinée au développement des activités d’éducation européenne entreprises par le Centre dans plusieurs pays, depuis le début de 1956.
Ces activités comprennent notamment des publications et des conférences destinées au corps enseignant, la création d’une centrale de matériel audio-visuel, et des expériences-pilotes d’action éducative menées dans des milieux sociaux bien définis, ruraux ou urbains, en vue de mettre au point des méthodes pouvant être généralisées par la suite. Deux de ces expériences sont déjà en cours dans le Midi et le Sud-Ouest de la France. D’autres vont être lancées en Italie et en Grèce. Elles visent à former des cadres de responsables, civiquement actifs et animés d’un esprit européen. Le don de la Fondation Ford permettra la poursuite et l’extension de l’ensemble de ce programme.
Les premières initiatives du Centre, en ce domaine, remontent à 1951 : convocation de responsables de l’éducation populaire pour examiner avec eux : 1° les possibilités de coopération entre les organisations de types variés visant à compléter ou à prolonger chez les adultes l’éducation scolaire ; 2° les possibilités d’introduire, dans les milieux touchés par l’éducation populaire, l’idée européenne ou mieux : une connaissance plus réaliste du monde actuel, considérée comme le meilleur moyen de faire comprendre d’une manière vivante la nécessité de notre union.
De ces négociations, qui se poursuivirent pendant plusieurs années, marquées par les rencontres de Reims et de Genève (octobre 1952 et mai 1953), finit par naître le Bureau européen de l’éducation populaire, rattaché au CEC mais autonome. Il a son siège à Bergen, en Hollande. Sous la direction de MM. Guermonprez et Schouten, il a déjà [p. 11] organisé de nombreux stages d’information pour éducateurs et publié un bulletin régulier en trois langues : Notes et Études.
L’appui financier de la Fondation européenne — limité à la période allant de fin 1955 jusqu’en avril 1957 — devait permettre au Centre de développer un projet tout différent : celui d’une série d’expériences-pilotes d’éducation européenne en milieu populaire. L’objectif général était double. Il s’agissait d’une part d’expérimenter dans divers milieux sociaux, et en s’appuyant sur des organismes déjà existants, les méthodes d’un futur enseignement européen. Il s’agissait d’autre part de déceler et de former de nouveaux responsables susceptibles de fournir plus tard les cadres d’une action élargie.
Un comité d’éducateurs fut désigné pour présider au choix et à la définition des expériences-pilotes à entreprendre1. Les premières furent lancées dès l’automne 1956. D’autres vont s’y ajouter en 1958. La plupart se poursuivront jusqu’en 1959, grâce à une subvention spéciale de la Fondation Ford. Elles ont été prévues méthodiquement dans des milieux aussi variés que possible : tant sociaux et nationaux que professionnels. Elles doivent servir de tests et de mises au point concrètes en vue d’une généralisation ultérieure des méthodes qui se seront révélées les plus efficaces. C’est dire que les échecs possibles ici ou là ne seront guère moins instructifs que les succès.
Un volume à paraître en automne 1959 rassemblera les monographies rédigées sur chaque expérience, et en tirera les conclusions générales.
Expériences-pilotes en cours
Sur les expériences en cours, on comprendra qu’il ne soit pas possible de donner aujourd’hui beaucoup plus qu’une série de brèves indications portant sur les implantations, les milieux, les caractéristiques sociologiques, et les méthodes appliquées.
Fribourg (Suisse)
Objectif : mesurer l’action que les maîtres (primaires et secondaires) peuvent exercer sur des élèves de 10 à 16 ans, en s’inspirant dans leur enseignement d’une vision plus européenne de l’histoire et de la géographie, notamment.
Exécution. Avec l’appui des autorités scolaires et sous la conduite de M. l’abbé Pfulg, inspecteur de l’enseignement, le CEC a organisé : — une enquête auprès des élèves des écoles au début de l’année ; — cinq conférences sur l’Europe, suivies de discussions, pour les instituteurs du canton ; — une enquête finale sur les résultats de cette action. De plus, le directeur du CEC a été chargé d’écrire le chapitre final d’un nouveau manuel d’histoire nationale, ce chapitre traitant de « La Suisse et l’Europe ».
Le succès remporté par cette première expérience dans le corps enseignant a incité d’autres organisations scolaires à étudier des projets analogues en Suisse, France, Belgique et Italie ; ils devraient être lancés dès la rentrée d’automne 1958.
Haute-Provence (France)
Objectif : à la faveur d’une action locale tendant à revitaliser une contrée de vieille culture populaire et de souvenirs antiques (grecs et romains), mais qui était en voie de dépeuplement, voir si l’on peut donner à ses habitants une notion réaliste des possibilités de développement de leur région dans le cadre d’une Europe plus ouverte aux contacts humains et aux échanges.
Exécution. Le CEC a fourni le matériel éducatif nécessaire pour l’œuvre des « Alpes de Lumière, Terre d’Europe », dirigée par le très dynamique abbé Martel, et englobant cinq communes. — Il a organisé une enquête sociologique sur la région (conduite par le Prof. Girod, de l’Université de Genève, aidé par trois étudiants, en liaison avec M. Meyer-Heine, urbaniste en chef du ministère de la Reconstruction et du Logement). — Il a procuré des conférenciers, des films, des brochures, et des experts d’autres pays.
L’expérience se poursuit. Des rapports trimestriels sont envoyés au CEC. Une réunion aura lieu au printemps, groupant les responsables locaux et les professeurs qui ont conduit l’enquête sociologique, pour en tirer les conclusions immédiates et préparer sa publication.
Aire-sur-Adour (au sud de Bordeaux, France)
Objectif : analogue à celui de la Haute-Provence, mais dans une région d’économie mixte (rurale et industrielle) en plein essor, où les problèmes du Marché commun vont se poser d’une manière très concrète.
Exécution. Le CEC a initié une enquête sociologique, qui est conduite par le Prof. Lajugie (de Bordeaux), directeur de l’Institut d’économie régionale du Sud-Ouest, et par ses étudiants. Deux journées d’étude ont marqué le départ de l’enquête, sur place, afin d’y intéresser les Autorités régionales et la population. Une autre journée d’étude a examiné les premiers résultats. Une monographie, due à M. Yves Laulan, est en cours de rédaction. En 1958, l’action éducative européenne pourra être entreprise sur ces bases.
Santu Lussurgiu (Sardaigne)
Objectif : dans un groupe de cinq communes assez pauvres, d’économie agricole et artisanale, appartenant à une région de l’Italie bénéficiant d’un statut d’autonomie, étudier : 1° les effets concrets du régime d’autonomie ; 2° les rapports entre de telles autonomies régionales et l’Europe fédérée (en particulier le Marché commun).
Exécution. L’action a été lancée à l’occasion d’un congrès de deux-cents personnes (9-11 août 1957), intitulé : « les Autonomies locales et l’Europe », organisé par le mouvement « Communita » (qui est chargé de conduire l’expérience) et avec la participation de représentants du Conseil régional, de la Chambre italienne, de l’OECE, des partis politiques, de plusieurs rédactions de revues et de deux instituts de sociologie. Ces derniers vont mener une enquête sur « la population devant les problèmes d’autonomie ». Un groupe d’experts internationaux constitue le Comité de surveillance. La presse locale rend compte des travaux, qui ont trouvé également un large écho dans la presse de la Péninsule. L’action proprement « européenne » s’exercera en 1958 par le moyen de cours et de journées d’étude groupant la jeunesse de la région et d’autres villes sardes (en moyenne cinq-cents participants).
Terracina (au sud de Rome)
Objectif : vérifier les possibilités d’éducation populaire, et à travers elle, d’éducation européenne dans une ville de 30 000 habitants d’économie mixte.
[p. 14]Exécution. Confiée aux responsables locaux du mouvement « Communita » (comme en Sardaigne), elle a consisté jusqu’ici en cours professionnels et en « jumelages » de la ville avec d’autres communes de Suisse, Belgique, France, Algérie, Allemagne. L’action européenne proprement dite semble particulièrement difficile dans ce milieu social peu homogène et politiquement très divisé.
Nouvelles expériences-pilotes à l’étude
Outre les répétitions dans plusieurs pays de l’expérience de Fribourg (corps enseignant), le CEC étudie activement le lancement de quatre expériences en Grèce, avec l’appui d’un comité ad hoc en voie de formation sous la conduite du Prof. Calogeropoulos-Stratis et en collaboration avec divers organismes d’éducation, syndicalistes ou officiels.
D’autre part, des négociations se poursuivent pour une action dans la Vallée d’Aoste (Italie), patronnée par le gouvernement autonome de cette région. La perspective du prochain percement du tunnel du Mont-Blanc constituera le point de départ concret de cette expérience.
Stage d’information des responsables d’expériences-pilotes
Du 23 au 27 septembre 1957, ce stage a réuni à Bruges, au Collège d’Europe, les dirigeants de nos expériences en cours, plus des représentants d’œuvres d’éducation des adultes d’Allemagne, de France, d’Italie, d’Autriche et de Belgique, soit vingt-deux participants et cinq conférenciers (MM. H. Brugmans, R. Brugner, P. Desjacques, E. Hutchinson et D. de Rougemont). Ce stage de travail intensif (trois séances par jour) a permis : 1° d’informer les dirigeants d’expériences-pilotes sur l’état actuel de l’intégration européenne, sur les problèmes éducatifs que pose cette intégration et sur certaines techniques particulières (jumelages de communes, bibliothèques populaires, films documentaires) ; 2° de confronter les expériences en cours, de les discuter en commun, et de mieux définir ainsi les tâches précises et l’esprit qui doit les animer.
Des possibilités nouvelles sont apparues, notamment en Allemagne et en Autriche, pour le développement d’autres expériences ou l’utilisation des premiers résultats acquis.
Remarques générales sur les expériences-pilotes
Les seuls résultats définitifs acquis jusqu’ici sont ceux de Fribourg, qui montrent qu’une expérience réussie se prête aussitôt à une répétition généralisée dans le reste de l’Europe, et justifient ainsi notre entreprise. [p. 15] L’efficacité des autres expériences ne pourra être jugée qu’en 1959, au moment de rédiger le rapport final. D’ores et déjà, pourtant, il faut souligner que notre programme se déroule conformément aux plans du Comité d’éducateurs, et nous a permis d’intéresser activement à une entreprise européenne des centaines de responsables locaux ou « cadres ».
Publications
Deux numéros spéciaux du Bulletin du CEC ont déjà été consacrés aux problèmes éducatifs : Pour une éducation européenne (avril-mai 1956) et L’Europe et l’École (avril 1957). Ils ont été largement répandus dans les milieux touchés par nos expériences-pilotes. En 1958, les premières enquêtes sociologiques organisées en Haute-Provence et à Aire-sur-Adour feront l’objet de publications dans des revues spécialisées et dans le Bulletin du CEC.
Pool de matériel audiovisuel
Le CEC prépare trois séries de films fixes sur l’Europe, destinés à illustrer des conférences sur l’Unité culturelle de l’Europe, l’Europe dans le monde, l’Idée européenne et son évolution.
La firme spécialisée IVAC, de Bruxelles, réalisera les trois premières séries de diapositives en 1958, selon les directives du CEC, qui rédigera les commentaires. Le Conseil de l’Europe et la CECA ont accepté de participer à l’élaboration de cette première série. M. Kormoss, chef du service cartographique du Collège d’Europe (Bruges), a coopéré aux travaux préparatoires, et fournira les cartes et graphiques nécessaires pour les expériences-pilotes.