La Mission de l’idée ()

XXXI a

C’était pendant une nuit d’orage.

Un ciel lourd pesait sur la terre énervée et aux sons rauques qui secouaient la voûte noire succédaient dans l’obscurité des forêts et des montagnes des répercussions sinistres, mille soupirs indistincts qui faisaient frissonner. Par moments, quand l’attente devenait étouffante, une longue traînée de feu illuminait soudain la nature d’une terreur qui palpitait sous le feuillage ruisselant.

Un homme égaré parcourait en tremblant les solitudes de la nuit, et son inquiétude semblait sans fin possible. Haletant il cherchait, tournoyait dans les ombres, courait enfin pour s’affaisser au pied d’un rocher.

Mais les roulements cessèrent peu à peu, l’air devint plus frais et là-bas, entre deux nuages, s’épanouit le premier rayon de l’aube. Alors s’écroulèrent les fantômes de la nuit et un espoir immense illumina la plaine. L’homme se leva, adora et partit.

Tel le christianisme s’est enfoncé dans les ténèbres de la mort. Tel il est arrivé à l’heure solennelle où éclatent les bruits qui le menacent. Tel se fera le jour, s’il en est encore temps.

Et de même qu’en sortant des angoisses d’une nuit sans sommeil l’homme renaît au contact de l’aurore, ainsi le christianisme, au lendemain des guerres, naîtra du tout au tout.

Un sang nouveau coulera dans ses veines et son cœur rajeuni battra plus violemment. L’idée ressuscitée meublera son esprit et l’action de son bras en sera vivifiée. Levons-nous, secouons-nous, enfin, et jetons-nous quelque part, sans but, dans l’inconnu : c’est pour nous réveiller. Alors, dans la plénitude de l’harmonie rétablie, dans l’intensité de la vie complète, débordante, équilibrée en tout et en tout renouvelée, nous nous reposerons, étudierons la route et repartirons plus sûrs.

Mais il faut le réveil. « Si quelqu’un ne naît de nouveau, a dit le Maître, il ne verra le royaume des cieux », et ce qui est vrai des hommes l’est de toutes les âmes mortes. Il faut que l’Église se convertisse, il faut qu’elle connaisse ses péchés, il faut qu’elle se repente, qu’elle implore le pardon, qu’elle coure au-devant du Christ. Il faut ensuite qu’elle quitte sa vieille peau, qu’elle noie ses souillures et qu’elle sorte lavée de ce bain douloureux.

Et qui accomplira ce miracle ? c’est l’Idée, c’est l’élan renaissant, culbutant les cadres du dogme, assommant l’esprit conservateur dans son choc, écrasant l’égoïsme dans sa course ascendante. C’est l’idée qui est le moteur de la vie, c’est l’idée qui animera notre cadavre.

Restaurons donc l’idée, changeons nos conceptions, sacrifions nos systèmes et de la théorie nouvelle sortira l’action rajeunie, la réconciliation de l’Église et du peuple, de l’Église et de la pensée. Car l’idée mène le monde.