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Un jeune homme vint trouver le Maître, nous raconte l’Écriture. Ses intentions étaient pures. Dès sa jeunesse il avait pratiqué et aimé le bien. Il s’était proposé un idéal, quoiqu’obscur, et le nom de Jésus avait fait battre son cœur, dans l’espérance qu’il serait éclairé.
Mais il avait de grands biens et le contact avec le Christ lui fut pénible, car en face du sacrifice à faire s’élevait tout ce dont il ne voulait se séparer. Et, triste, il s’en retourna.
Et sans doute qu’alors, car il était bon, il ne renonça pas à ses instincts élevés. Il se lança dans la vie avec un reste d’espoir. Mais, parce qu’il n’avait pas voulu sacrifier ce qui lui était cher, il se mit peut-être à construire un nouvel idéal, légitimant son acte, un compromis théorique entre ses aspirations et son égoïsme, car bien souvent nos systèmes ne sont que de vastes apologies de tel ou tel de nos vices. Et toute sa vie il se sera cru très bon.
Le Maître, cependant, le plaignait et, tout en lui pardonnant, devait bien le blâmer.
N’est-ce pas là l’histoire de l’Église ? N’était-elle pas, aussi, animée d’un zèle pur ? Ses intentions ne dépassaient-elles pas mille fois l’action misérable qu’elle arrivait à faire, comme une mère, enfantant avec larmes, pense au jour lointain où son fils sera homme ? Ne tressaillait-elle pas au nom de Jésus-Christ, ou à l’écho des aspirations nobles en travail dans le monde ?
Mais elle avait de grands biens. Elle avait un patrimoine auquel elle tenait plus qu’à tout autre chose, qu’elle préférait à Dieu même, comme le jeune homme riche estimait son or plus que la mission du Christ. Elle était en possession des enseignements de Paul, des apôtres, des théologiens des premiers temps, elle avait tout ce système magnifique qui satisfit jadis les consciences des hommes et qu’elle conservait comme on garde un portrait, avec piété, avec une pointe d’orgueil.
Et quand l’Église a vu qu’elle avait à choisir entre ses biens propres et son action dans le monde, elle a capitulé. Elle s’est emportée, pour mieux cacher ses torts. Elle a maintenu haut les droits de son dogme devant la science humaine. Elle a préféré ses conceptions à elle, sa morale désuète, à la vie vraie et neuve, à l’élan même du Christ.
Et alors elle a légitimé sa conduite par des systèmes, elle a voulu faire croire que son dogme était nécessaire, que le salut du monde en dépendait.
Et enfin, elle s’est crue bonne, elle a prié pour les péchés des autres, elle a médit de l’incrédulité des penseurs, elle s’est bercée dans la grande illusion…
Le réveil se fait sous la poudre et le fer.