La Mission de l’idée ()

XXXVI a

Il y a dans la recherche de la vérité rationnelle une beauté supérieure qui est presque religion.

Lorsque le petit enfant arrive à l’âge où la curiosité devient légitime, il se pose des questions que ses parents avaient jusque-là éludées, et, quand il a saisi plus ou moins le mystère, sa mère lui dévoile, un soir, les secrets de sa naissance. Et alors, dans son trouble sacré, il éprouve à la fois la jouissance pure et noble de la connaissance vraie et l’adoration reconnaissante pour la vérité belle. Il se sent grandi par ce qu’il vient d’apprendre et plus en état de vivre réellement. Car c’est la première fois qu’il se hausse jusqu’au sublime de la recherche humaine jusqu’au point où le savoir et le sentir se confondent en un acte religieux.

Telle est la nature de la métaphysique.

La métaphysique est la suprême manifestation de l’idée, quand elle reste la sympathie vivante et non la ratiocination sèche dont le dogmatisme recouvre plus ou moins le creux de ses raisonnements. C’est la métaphysique qui tirera la religion de sa torpeur actuelle, car dans la spéculation le chrétien apprend la valeur du vrai, même quand ce vrai est opposé à ses intérêts propres.

Lorsqu’à la foi pratique le croyant essaye d’unir sa raison, il ne tue pas, en cherchant à comprendre, la vraie vie de son âme, il l’étend, il y ajoute un élément de plus, une force de synthèse qui est une énergie nouvelle, marchant vers le grand but. Quand il a sondé le mystère de la croix, sans jamais espérer en atteindre le fond, quand il a rejeté l’expiation, la propitiation, sans rien trouver de mieux, il comprend l’immensité de la vie, la valeur du divin, l’égoïsme de son être mille fois mieux que le croyant, dont la foi interdit tous les doutes.

Et, dans la jouissance suprême de cette recherche sainte, il éprouve des états, qu’aucun art ne lui ferait goûter. L’esthétique de la raison est cent fois supérieure à l’esthétique des sens.

Mais cette jouissance n’est rien. Bien que noble et intense, on ne doit la poursuivre. Il y a plus dans la recherche de l’idée, il y a le devoir.

Lorsqu’on a compris que l’idée mène le monde et qu’on voit aujourd’hui le christianisme abdiquer, on saisit la mission qui incombe, impérieuse, aux hommes d’après la guerre : se lancer à la poursuite d’une vérité plus pure que celle dont nous vivons, car c’est par là seulement que pourra débuter la nouvelle naissance.