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1933-10-17, Denis de Rougemont à Alice et Georges de Rougemont

Chers parents,

Deux mots sur le coin d’une table encombrée, en plein travail d’emballages. Nous avons été tellement occupés par notre déménagement qu’il nous a été impossible d’écrire la semaine dernière. Nous voici installés depuis dimanche et jusqu’à jeudi chez ma belle-mère, ou plutôt dans son appartement, elle-même étant encore à Ré, où nous passerons cinq-six jours avec elle. Nous avons eu tous les ennuis de la terre avec le gérant, la concierge, les locataires successeurs. Enfin, nous voici hors d’affaires, frustrés d’un chauffage central que nous avions payé fort cher et que le gérant s’est approprié par une suite de manœuvres aussi savantes que peu délicates. Il nous reste quelques sous, de quoi tenir deux mois à Ré. Puis, on avisera. J’ai quelques collaborations en perspectives, des projets chez deux éditeurs, et il n’est pas [p. 2] encore exclu que « Je sers » ne puisse à l’avenir me donner quelques centaines de francs par mois, si l’affaire renaît. Nous sommes assez fatigués et surtout lassés de discuter et de nous engueuler avec tout le monde comme on fait ici.

Nous déposerons avant de partir le manteau de pluie chez les Oncle Edmond. — À quoi en est la question maison à Areuse ? Avez-vous déjà déménagé ? Ou bien une autre solution ?

Dès vendredi, notre adresse sera donc : Les Portes, île de Ré, Charente-Inférieure.

Je ne puis vous en écrire plus aujourd’hui, nos minutes sont comptées d’ici le départ.

Au revoir, et mille choses affectueuses de nous deux.
Denis.